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SUITE DES TROUBLES D’ANGLETERRE.

au visage ; et les historiens disent que les propres frères d’Édouard, le duc de Clarence, rentré pour lors en grâce, et le duc de Glocester, accompagnés de quelques seigneurs, se jetèrent alors comme des bêtes féroces sur le prince de Galles, et le percèrent de coups. Quand les premiers d’une nation ont de telles mœurs, quelles doivent être celles du peuple ? On ne donna la vie à aucun prisonnier ; et enfin on résolut la mort de Henri VI.

Le respect que, dans ces temps féroces, on avait eu pendant plus de quarante années pour la vertu de ce monarque avait toujours arrêté jusque-là les mains des assassins. Mais après avoir ainsi massacré le prince de Galles, on respecta moins le roi. On prétend que ce même duc de Glocester, depuis Richard III, qui avait trempé ses mains dans le sang du fils, alla lui-même dans la Tour de Londres assassiner le père (1471). Cette horreur peut être vraie, et n’est point du tout vraisemblable ; à moins, comme le dit l’ingénieux M. Walpole, que ce duc de Glocester n’eût reçu d’Édouard IV, son frère, des patentes de bourreau en titre d’office. On laissa vivre Marguerite d’Anjou, parce qu’on espérait que les Français payeraient sa rançon. En effet lorsque, quatre ans après, Édouard, paisible chez lui, vint à Calais pour faire la guerre à la France, et que Louis XI le renvoya en Angleterre à force d’argent par un traité honteux, Louis, dans cet accord, racheta cette héroïne pour cinquante mille écus. C’était beaucoup pour des Anglais appauvris par les guerres de France et par leurs troubles domestiques. Marguerite d’Anjou, après avoir soutenu dans douze batailles les droits de son mari et de son fils, (1482) mourut la reine, l’épouse et la mère la plus malheureuse de l’Europe ; et, sans le meurtre de l’oncle de son mari, la plus vénérable.

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CHAPITRE CXVII.


Suite des troubles d’Angleterre sous Édouard IV, sous le tyran Richard III, et jusqu’à la fin du règne de Henri VII.


Édouard IV régna tranquille. Le triomphe de la rose blanche était complet, et sa domination était cimentée du sang de presque tous les princes de la rose rouge. Il n’y a personne qui, en considérant la conduite d’Édouard IV, ne se figure un barbare unique-