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CHAPITRE CXIX.

servit de la force et de la religion. Le pape Silvestre II lui donna le titre de roi, et même de roi apostolique. Des auteurs prétendent que ce fut Jean XVIII ou XIX qui conféra ces deux honneurs à Étienne en 1003 ou 1004. De telles discussions ne sont pas le but de mes recherches. Il me suffit de considérer que c’est pour avoir donné ce titre dans une bulle que les papes prétendaient exiger des tributs de la Hongrie ; et c’est en vertu de ce mot apostolique que les rois de Hongrie prétendaient donner tous les bénéfices du royaume.

On voit qu’il y a des préjugés par lesquels les rois et les nations entières se gouvernent. Le chef d’une nation guerrière n’avait osé prendre le titre de roi sans la permission du pape. Ce royaume et celui de Pologne étaient gouvernés sur le modèle de l’empire allemand. Cependant les rois de Pologne et de Hongrie, qui ont fait enfin des comtes, n’osèrent jamais faire des ducs ; loin de prendre le titre de majesté, on les appelait alors votre excellence.

Les empereurs regardaient même la Hongrie comme un fief de l’empire : en effet, Conrad le Salique avait reçu un hommage et un tribut du roi Pierre ; et les papes, de leur côté, soutenaient qu’ils devaient donner cette couronne, parce qu’ils avaient les premiers appelé du nom de roi le chef de la nation hongroise.

Il faut un moment remonter ici au temps où la maison de France, qui a fourni des rois au Portugal, à l’Angleterre, à Naples, vit aussi ses rejetons sur le trône de Hongrie.

Vers l’an 1290, le trône étant vacant, l’empereur Rodolphe de Habsbourg en donna l’investiture à son fils Albert d’Autriche, comme s’il eût donné un fief ordinaire. Le pape Nicolas IV, de son côté, conféra le royaume comme un bénéfice au petit-fils de ce fameux Charles d’Anjou, frère de saint Louis, roi de Naples et de Sicile. Ce neveu de saint Louis était appelé Charles Martel, et il prétendait le royaume parce que sa mère, Marie de Hongrie, était sœur du roi hongrois dernier mort. Ce n’est pas chez les peuples libres un titre pour régner que d’être parent de leurs rois. La Hongrie ne prit pour maître ni celui que nommait l’empereur, ni celui que lui donnait le pape ; elle choisit André, surnommé le Vénitien parce qu’il s’était marié à Venise, prince qui d’ailleurs était du sang royal. Il y eut des excommunications et des guerres ; mais après sa mort, et après celle de son concurrent Charles Martel, les arrêts du tribunal de Rome furent exécutés.

(1303) Bonilace VIII, quatre mois avant que l’affront qu’il reçut du roi de France le fît, dit-on, mourir de douleur, jouit de