Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
CHAPITRE CXXV.

jours à craindre la France, l’empire des Turcs, et la moitié de l’Allemagne.

L’Angleterre, qui était séparée du reste du monde au VIIIe siècle, est, dans le XVIe siècle un puissant royaume qu’il faut toujours ménager. Mais ce qui rend la situation de Charles-Quint très-supérieure à celle de Charlemagne, c’est qu’ayant à peu près en Europe la même étendue de pays sous ses lois, ce pays est plus peuplé, beaucoup plus florissant, plein de grands hommes en tout genre. On ne comptait pas une grande ville commerçante dans les premiers temps du renouvellement de l’empire. Aucun nom, excepté celui du maître, ne fut consacré à la postérité. La seule province de Flandre, au XVIe siècle, vaut mieux que tout l’empire au IXe siècle. L’Italie, au temps de Paul III, est à l’Italie du temps d’Adrien Ier et de Léon III ce qu’est la nouvelle architecture à la gothique. Je ne parle pas ici des beaux-arts, qui égalaient ce siècle à celui d’Auguste, et du bonheur qu’avait Charles-Quint de compter tant de grands génies parmi ses sujets : il ne s’agit que des affaires publiques et du tableau général du monde.

__________


CHAPITRE CXXV.


Conduite de François Ier. Son entrevue avec Charles-Quint. Leurs querelles, leur guerre. Alliance du roi de France et du sultan Suliman. Mort de François Ier.


Que François Ier, voyant son rival donner des royaumes, voulut rentrer dans le Milanais, auquel il avait renoncé par deux traités ; qu’il ait appelé à son secours ce même Soliman, ces mêmes Turcs repoussés par Charles-Quint : cette manœuvre peut être politique, mais il fallait de grands succès pour la rendre glorieuse.

Ce prince pouvait abandonner ses prétentions sur le Milanais, source intarissable de guerres et tombeau des Français, comme Charles avait abandonné ses droits sur la Bourgogne, droits fondés sur le traité de Madrid : il eût joui d’une heureuse paix ; il eût embelli, policé, éclairé son royaume beaucoup plus qu’il ne fit dans les derniers temps de sa vie ; il eût donné une libre carrière