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DU ROI HENRI VIII.

en feu. Déjà la religion qu’on nomme évangélique était établie vers l’an 1555 dans vingt-quatre villes impériales, et dans dix-huit petites provinces de l’empire. Les luthériens voulaient abaisser la puissance de Charles-Quint, et il prétendait les détruire. On faisait des ligues ; on donnait des batailles. Mais il faut suivre ici ces révolutions de l’esprit humain en fait de religion, et voir comment s’établit l’Église anglicane, et comment fut déchirée l’Église de France.

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CHAPITRE CXXXV.


Du roi Henri VIII. De la révolution de la religion en Angleterre.


On sait que l’Angleterre se sépara du pape parce que le roi Henri VIII fut amoureux. Ce que n’avaient pu ni le denier de saint Pierre, ni les réserves, ni les provisions, ni les annates, ni les collectes et les ventes des indulgences, ni cinq cents années d’exactions toujours combattues par les lois des parlements et par les murmures des peuples, un amour passager l’exécuta, ou du moins en fut la cause. La première pierre qu’on jeta suffit pour renverser ce grand monument dès longtemps ébranlé par la haine publique.

Henri VIII, homme voluptueux, fougueux, et opiniâtre dans tous ses désirs, eut parmi beaucoup de maîtresses Anne de Boulen[1], fille d’un gentilhomme de son royaume. Cette fille, d’un enjouement et d’une liberté qui promettaient tout, eut pourtant l’adresse de ne se pas abandonner entièrement, et d’irriter la passion du roi, qui résolut d’en faire sa femme.

Il était marié depuis dix-huit ans à Catherine d’Espagne[2], fille de Ferdinand et d’Isabelle, et tante de Charles-Quint, de laquelle il avait eu trois enfants, et dont il lui restait encore la princesse Marie, qui fut depuis reine d’Angleterre. Comment faire un divorce ? comment casser son mariage avec une femme telle que Catherine d’Espagne, à laquelle on ne pouvait reprocher ni stérilité, ni mauvaise conduite, ni même cette humeur qui accom-

  1. On écrit Boleyn.
  2. Connue sous le nom de Catherine d’Aragon.