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DE LA RELIGION EN ÉCOSSE.

les esprits à la paix. Cette précaution nouvelle contint ceux qui croyaient avoir le droit, et qui pouvaient avoir le talent d’émouvoir le peuple. Personne ne fut persécuté, ni même recherché pour sa croyance[1] ; maison poursuivit sévèrement selon la loi ceux qui violaient la loi et qui troublaient l’État. Ce grand principe, si longtemps méconnu, s’établit alors en Angleterre dans les esprits, que c’est à Dieu seul à juger les cœurs qui peuvent lui déplaire, que c’est aux hommes à réprimer ceux qui s’élèvent contre le gouvernement établi par les hommes. Vous examinerez dans la suite ce que vous devez penser d’Élisabeth, et surtout ce que fut sa nation.

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CHAPITRE CXXXVII.


De la religion en Écosse.


La religion n’éprouva de troubles en Écosse que comme un reflux de ceux d’Angleterre. Vers l’an 1559, quelques calvinistes s’étaient d’abord insinués dans le peuple, qu’il faut presque toujours gagner le premier. Il est de bonne foi ; il se met lui-même la bride qu’on lui présente, jusqu’à ce qu’il vienne quelque homme puissant qui la tienne, et qui s’en serve à son avantage.

Les évêques catholiques ne manquèrent pas d’abord de faire condamner au feu quelques hérétiques : c’était une chose aussi en usage en Europe que de faire périr un voleur par la corde.

Il arriva en Écosse ce qui doit arriver dans tous les pays où il reste de la liberté. Le supplice d’un vieux prêtre, que l’archevêque de Saint-André avait condamné au bûcher (1559), ayant fait beaucoup de prosélytes, on se servit de cette liberté pour répandre plus hardiment les nouveaux dogmes, et pour s’élever contre la cruauté de l’archevêque. Plusieurs seigneurs firent en Écosse, dans la minorité de la fameuse reine Marie Stuart, ce que firent depuis ceux de France dans la minorité de Charles IX.

  1. Il faut en excepter les anti-trinitaires. On en condamna plusieurs aux flammes sous son règne. Cette manière de les traiter était le seul point de discipline ecclésiastique sur lequel on fût alors d’accord en Europe ; dans un siècle on ne le sera plus que sur la tolérance. (K.)