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DE LA RELIGION EN FRANCE SOUS FRANÇOIS Ier.

rageant à la vertu et à la doctrine en de meilleurs temps, mais source de factions. Il était cher aux peuples par ces deux endroits : il l’était aux esprits rigides comme un reste de la primitive Église, aux universités comme récompense de leurs travaux. Les papes cependant, malgré cette pragmatique qui abolissait les annates et les autres exactions, les recevaient presque toujours. Fromenteau nous dit que dans les dix-sept années du règne de Louis XII, ils tirèrent du diocèse de Paris la somme exorbitante de trois millions trois cent mille livres numéraires de ce temps-là[1].

Lorsque François Ier alla faire, en 1515, ses expéditions d’Italie, brillantes au commencement comme celles de Charles VIII et de Louis XII, et ensuite plus malheureuses encore, Léon X, qui s’était d’abord opposé à lui, en eut besoin et lui fut nécessaire.

(1515 et 1516) Le chancelier Duprat, qui fut depuis cardinal, fit avec les ministres de Léon X ce fameux concordat par lequel on disait que le roi et le pape se donnèrent ce qui ne leur appartenait pas. Le roi obtint la nomination des bénéfices ; et le pape eut, par un article secret, le revenu de la première année, en renonçant aux mandats, aux réserves, aux expectatives, à la prévention, droits que Rome avait longtemps prétendus. Le pape, immédiatement après la signature du concordat, se réserva les annates par une bulle. L’université de Paris, qui perdait un de ses droits, s’en attribua un qu’à peine un parlement d’Angleterre pourrait prétendre : elle fit afficher une défense d’imprimer le concordat du roi, et de lui obéir. Cependant les universités ne sont pas si maltraitées par cet accord du roi et du pape, puisque la troisième partie des bénéfices leur est réservée, et qu’elles peuvent les impétrer pendant quatre mois de l’année : janvier, avril, juillet, et octobre, qu’on nomme les mois des gradués.

Le clergé, et surtout les chapitres, à qui on ôtait le droit de nommer leurs évêques, en murmurèrent ; l’espérance d’obtenir des bénéfices de la cour les apaisa. Le parlement, qui n’attendait pas de grâces de la cour, fut inébranlable dans sa fermeté à soutenir les anciens usages, et les libertés de l’Église gallicane dont il était le conservateur ; il résista respectueusement à plusieurs

  1. Ce détail sur l’exploitation de la France par la cour de Rome se trouve dans un curieux ouvrage dont voici l’interminable titre : le Grand Trésor des trésors de France, contenant les deniers que Leurs Majestés ont levés et despendus depuis trente et un ans ; c’est-à-dire le Secret des finances de France, ou Préparatif propre et nécessaire pour payer les dettes du roi, descharger ses sujets, et recouvrer les deniers qui ont été dérobés à Sa Majesté, par Virolie Froumenteau (Paris, 1581, 3 tomes en un volume in-8o). (E. B.)