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CHAPITRE CXXXIX.


Mais pour le prendre, il faut que les lois soient affermies, et que la fureur des factions commence à se calmer. Il n’y eut en France que des factions sanglantes depuis François II jusqu’aux belles années du grand Henri. Dans ce temps de troubles les lois furent inconnues ; et le fanatisme, survivant encore à la guerre, assassina ce monarque au milieu de la paix par la main d’un furieux et d’un imbécile échappé du cloître.

M’étant fait ainsi une idée de l’état de la religion en Europe au XVIe siècle, il me reste à parler des ordres religieux qui combattaient les opinions nouvelles, et de l’Inquisition, qui s’efforçait d’exterminer les protestants.

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CHAPITRE CXXXIX.


Des ordres religieux.


La vie monastique, qui a fait tant de bien et tant de mal, qui a été une des colonnes de la papauté, et qui a produit celui par qui la papauté fut exterminée dans la moitié de l’Europe, mérite une attention particulière.

Beaucoup de protestants et de gens du monde s’imaginent que les papes ont inventé toutes ces milices différentes en habit, en chaussure, en nourriture, en occupations, en règles, pour être dans tous les États de la chrétienté les armées du saint-siége. Il est vrai que les papes les ont mises en usage, mais ils ne les ont point inventées.

Il y eut chez les peuples de l’Orient, dans la plus haute antiquité, des hommes qui se retiraient de la foule pour vivre ensemble dans la retraite. Les Perses, les Égyptiens, les Indiens surtout, eurent des communautés de cénobites, indépendamment de ceux qui étaient destinés au culte des autels. C’est des Indiens que nous viennent ces prodigieuses austérités, ces sacrifices et ces tourments volontaires auxquels les hommes se condamnent, dans la persuasion que la Divinité se plaît aux souffrances des hommes. L’Europe en cela ne fut que l’imitatrice de l’Inde. L’imagination ardente et sombre des Orientaux s’est portée beaucoup plus loin que la nôtre. On ne voit point de moines chez les