Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
CHAPITRE CXL.

L’Inquisition ne fut introduite dans le Portugal que vers l’an 1557, quand ce pays n’était point soumis aux Espagnols. Elle essuya d’abord toutes les contradictions que son seul nom devait produire ; mais enfin elle s’établit, et sa jurisprudence fut la même à Lisbonne qu’à Madrid. Le grand-inquisiteur est nommé par le roi et confirmé par le pape. Les tribunaux particuliers de cet office, qu’on nomme Saint, sont soumis, en Espagne et en Portugal, au tribunal de la capitale. L’Inquisition eut dans ces deux États la même sévérité et la même attention à signaler son pouvoir.

En Espagne, après la mort de Charles-Quint, elle osa faire le procès au confesseur de cet empereur, Constantin Ponce, qui mourut dans un cachot, et dont l’effigie fut brûlée après sa mort dans un auto-da-fé.

En Portugal, Jean de Bragance, ayant arraché son pays à la domination espagnole, voulut aussi le délivrer de l’Inquisition ; mais il ne put réussir qu’à priver les inquisiteurs des confiscations. Ils le déclarèrent excommunié après sa mort. Il fallut que la reine sa veuve les engageât à donner au cadavre une absolution aussi ridicule que honteuse. Par cette absolution, on le déclarait coupable.

Quand les Espagnols s’établirent en Amérique, ils portèrent l’Inquisition avec eux. Les Portugais l’introduisirent aux Indes occidentales, immédiatement après qu’elle fut autorisée à Lisbonne.

On connaît l’Inquisition de Goa. Si cette juridiction opprime ailleurs le droit naturel, elle est dans Goa contraire à la politique. Les Portugais ne sont dans l’Inde que pour y négocier ; le commerce et l’Inquisition paraissent incompatibles. Si elle était reçue dans Londres et dans Amsterdam, ces villes ne seraient ni si peuplées ni si opulentes. En effet, quand Philippe II la voulut introduire dans les provinces de Flandre, l’interruption du commerce fut une des principales causes de la révolution. La France et l’Allemagne ont été heureusement préservées de ce fléau. Elles ont essuyé des guerres horribles de religion ; mais enfin les guerres finissent, et l’Inquisition une fois établie est éternelle.

Il n’est pas étonnant qu’on ait imputé à un tribunal si détesté des excès d’horreur et d’insolence qu’il n’a pas commis. On trouve dans beaucoup de livres que ce Constantin Ponce, confesseur de Charles-Quint, condamné par l’Inquisition, avait été accusé au saint-office d’avoir dicté le testament de l’empereur, dans lequel il n’y avait pas assez de legs pieux, et que le confesseur et le tes-