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CHAPITRE CXLII.

d’agréable, fut porté par eux en Europe, à bien moins de frais que Venise ne pouvait le donner. La route du Tage au Gange devenait fréquentée. Siam et le Portugal étaient alliés.

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CHAPITRE CXLII.


Du Japon.


Les Portugais, établis en riches marchands et en rois sur les côtes de l’Inde et dans la presqu’île du Gange, passèrent enfin dans les îles du Japon (1538).

De tous les pays de l’Inde, le Japon n’est pas celui qui mérite le moins l’attention d’un philosophe. Nous aurions dû connaître ce pays dès le XIIIe siècle par la relation du célèbre Marc Paul. Ce Vénitien avait voyagé par terre à la Chine ; et, ayant servi longtemps sous un des enfants de Gengis-kan, il y eut les premières notions de ces îles que nous nommons Japon, et qu’il appelle Zipangri ; mais ses contemporains, qui adoptaient les fables les plus grossières, ne crurent point les vérités que Marc Paul annonçait. Son manuscrit resta longtemps ignoré ; il tomba enfin entre les mains de Christophe Colomb, et ne servit pas peu à le confirmer dans son espérance de trouver un monde nouveau qui pouvait rejoindre l’Orient et l’Occident. Colomb ne se trompa que dans l’opinion que le Japon touchait à l’hémisphère qu’il découvrit.

Ce royaume borne notre continent, comme nous le terminons du côté opposé. Je ne sais pourquoi on a appelé les Japonais nos antipodes en morale ; il n’y a point de pareils antipodes parmi les peuples qui cultivent leur raison. La religion la plus autorisée au Japon admet des récompenses et des peines après la mort. Leurs principaux commandements, qu’ils appellent divins, sont précisément les nôtres. Le mensonge, l’incontinence, le larcin, le meurtre, sont également défendus ; c’est la loi naturelle réduite en préceptes positifs. Ils y ajoutent le précepte de la tempérance, qui défend jusqu’aux liqueurs fortes de quelque nature qu’elles soient, et ils étendent la défense du meurtre jusqu’aux animaux. Saka, qui leur donna cette loi, vivait environ mille ans avant