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DE FERNAND CORTÈS.

enfants, et les animaux domestiques, parce qu’ils avaient été dévoués. C’est sur cette loi que furent fondés les serments de Jephté, qui sacrifia sa fille, et de Saül, qui, sans les cris de l’armée, eût immolé son fils ; c’est elle encore qui autorisait Samuel à égorger le roi Agag, prisonnier de Saül, et à le couper en morceaux : exécution aussi horrible et aussi dégoûtante que tout ce qu’on peut voir de plus affreux chez les sauvages. D’ailleurs il paraît que chez les Mexicains on n’immolait que les ennemis ; ils n’étaient point anthropophages comme un très-petit nombre de peuplades américaines.

Leur police en tout le reste était humaine et sage. L’éducation de la jeunesse formait un des plus grands objets du gouvernement : il y avait des écoles publiques établies pour l’un et l’autre sexe. Nous admirons encore les anciens Égyptiens d’avoir connu que l’année est d’environ trois cent soixante-cinq jours : les Mexicains avaient poussé jusque-là leur astronomie.

La guerre était chez eux réduite en art ; c’est ce qui leur avait donné tant de supériorité sur leurs voisins. Un grand ordre dans les finances maintenait la grandeur de cet empire, regardé par ses voisins avec crainte et avec envie.

Mais ces animaux guerriers sur qui les principaux Espagnols étaient montés, ce tonnerre artificiel qui se formait dans leurs mains, ces châteaux de bois qui les avaient apportés sur l’Océan, ce fer dont ils étaient couverts, leurs marches comptées par des victoires, tant de sujets d’admiration joints à cette faiblesse qui porte les peuples à admirer : tout cela fit que, quand Cortès arriva dans la ville de Mexico, il fut reçu par Montezuma comme son maître, et par les habitants comme leur dieu. On se mettait à genoux dans les rues quand un valet espagnol passait. On raconte qu’un cacique, sur les terres duquel passait un capitaine espagnol, lui présenta des esclaves et du gibier. « Si tu es dieu, lui dit-il, voilà des hommes, mange-les ; si tu es homme, voilà des vivres que ces esclaves t’apprêteront. »

Ceux qui ont fait les relations de ces étranges événements les ont voulu relever par des miracles, qui ne servent en effet qu’à les rabaisser. Le vrai miracle fut la conduite de Cortès. Peu à peu la cour de Montezuma, s’apprivoisant avec leurs hôtes, osa les traiter comme des hommes. Une partie des Espagnols était à la Vera-Cruz, sur le chemin du Mexique ; un général de l’empereur, qui avait des ordres secrets, les attaqua ; et, quoique ses troupes fussent vaincues, il y eut trois ou quatre Espagnols de tués : la tête d’un d’eux fut même portée à Montezuma. Alors Cortès fit ce