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DES POSSESSIONS FRANÇAISES EN AMÉRIQUE.

d’Asie, du Brésil, avaient enlevé beaucoup d’habitants : les autres, comptant sur l’or et les diamants, ont cessé de cultiver les véritables mines, qui sont l’agriculture et les manufactures. Leurs diamants et leur or ont payé à peine les choses nécessaires que les Anglais leur ont fournies ; c’est pour l’Angleterre, en effet, que les Portugais ont travaillé en Amérique. Enfin, en 1756, quand Lisbonne a été renversée par un tremblement de terre, il a fallu que Londres envoyât jusqu’à de l’argent monnayé au Portugal, qui manquait de tout. Dans ce pays, le roi est riche, et le peuple est pauvre.

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CHAPITRE CLI.


Des possessions des Français en Amérique.


Les Espagnols tiraient déjà du Mexique et du Pérou des trésors immenses, qui pourtant à la fin ne les ont pas beaucoup enrichis, quand les autres nations, jalouses et excitées par leur exemple, n’avaient pas encore dans les autres parties de l’Amérique une colonie qui leur fût avantageuse.

L’amiral Coligny, qui avait en tout de grandes idées, imagina, en 1557, sous Henri II, d’établir les Français et sa secte dans le Brésil : un chevalier de Villegagnon, alors calviniste, y fut envoyé ; Calvin s’intéressa à l’entreprise. Les Genevois n’étaient pas alors d’aussi bons commerçants qu’aujourd’hui. Calvin envoya plus de prédicants que de cultivateurs : ces ministres, qui voulaient dominer, eurent avec le commandant de violentes querelles ; ils excitèrent une sédition. La colonie fut divisée ; les Portugais la détruisirent, Villegagnon renonça à Calvin et à ses ministres ; il les traita de perturbateurs, ceux-ci le traitèrent d’athée, et le Brésil fut perdu pour la France, qui n’a jamais su faire de grands établissements au dehors.

On disait que la famille des incas s’était retirée dans ce vaste pays dont les limites touchent à celles du Pérou ; que c’était là que la plupart des Péruviens avaient échappé à l’avarice et à la cruauté des chrétiens d’Europe ; qu’ils habitaient au milieu des terres, près d’un certain lac Parima dont le sable était d’or ; qu’il y avait une ville dont les toits étaient couverts de ce métal : les