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DU MOGOL.

méridionales de la France. Ils furent obligés alors d’implorer le secours des Portugais contre Akebar[1], fils d’Amayum, et les Portugais ne purent les empêcher de succomber.

Il y avait encore vers Agra un prince qui se disait descendant de Por, que Quinte-Curce a rendu si célèbre sous le nom de Porus. Akebar le vainquit, et ne lui rendit pas son royaume ; mais il fit dans l’Inde plus de bien qu’Alexandre n’eut le temps d’en faire. Ses fondations sont immenses, et l’on admire toujours le grand chemin bordé d’arbres l’espace de cent cinquante lieues, depuis Agra jusqu’à Lahor, célèbre ouvrage de ce conquérant, embelli encore par son fils Geanguir[2].

La presqu’île de l’Inde deçà le Gange n’était pas encore entamée, et si elle avait connu des vainqueurs sur ses côtes, c’étaient des Portugais. Le vice-roi qui résidait à Goa égalait alors le Grand Mogol en magnificence et en faste, et le passait beaucoup en puissance maritime : il donnait cinq gouvernements, ceux de Mozambique, de Malaca, de Mascate, d’Ormus, de Ceilan. Les Portugais étaient les maîtres du commerce de Surate, et les peuples du Grand Mogol recevaient d’eux toutes les denrées précieuses des îles. L’Amérique, pendant quarante ans, ne valut pas davantage aux Espagnols, et quand Philippe II s’empara du Portugal en 1580, il se trouva maître tout d’un coup des principales richesses des deux mondes, sans avoir eu la moindre part à leur découverte. Le Grand Mogol n’était pas alors comparable à un roi d’Espagne.

Nous n’avons pas tant de connaissance de cet empire que de celui de la Chine : les fréquentes révolutions depuis Tamerlan en sont cause, et on n’y a pas envoyé de si bons observateurs que ceux par qui la Chine nous est connue.

Ceux qui ont recueilli les relations de l’Inde nous ont donné souvent des déclamations contradictoires. Le P. Catrou nous dit que le Mogol s’est retenu en propre toutes les terres de l’empire ; et, dans la même page, il nous dit que les enfants des rayas succèdent aux terres de leurs pères. Il assure que tous les grands sont esclaves, et il dit que « plusieurs de ces esclaves ont jusqu’à vingt à trente mille soldats ; qu’il n’y a de loi que la volonté du Mogol, et qu’on n’a point cependant touché aux droits des peuples ». Il est difficile de concilier ces notions.

Tavernier parle plus aux marchands qu’aux philosophes, et

  1. Ou mieux Akber, qui succéda à Houmaïoun en 1556. Mort en 1605.
  2. Ou mieux Aurengzeb-Djehanguir. (G. A.)