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FONDATION DES PROVINCES-UNIES.

Philippe II, a dépouillé ses successeurs de presque tout ce qu’ils avaient dans les Indes orientales, et a fini enfin par les protéger.

On ne peut nier que ce ne soit Philippe II lui-même qui ait forcé ces peuples à jouer un si grand rôle, auquel ils ne s’attendaient certainement pas : son despotisme sanguinaire fut la cause de leur grandeur.

Il est important de considérer que tous les peuples ne se gouvernent pas sur le même modèle ; que les Pays-Bas étaient un assemblage de plusieurs seigneuries appartenantes à Philippe à des titres différents ; que chacune avait ses lois et ses usages ; que dans la Frise et dans le pays de Groningue, un tribut de six mille écus était tout ce qu’on devait au seigneur ; que dans aucune ville on ne pouvait mettre d’impôts, ni donner les emplois à d’autres qu’à des régnicoles, ni entretenir des troupes étrangères, ni enfin rien innover, sans le consentement des états. Il était dit par les anciennes constitutions du Brabant : « Si le souverain, par violence ou par artifice, veut enfreindre les priviléges, les états seront déliés du serment de fidélité, et pourront prendre le parti qu’ils croiront convenable. » Cette forme de gouvernement avait prévalu longtemps dans une très-grande partie de l’Europe : nulle loi n’était portée, nulle levée de deniers n’était faite sans la sanction des états assemblés. Un gouverneur de la province présidait à ces états au nom du prince, et ce gouverneur s’appelait stadt-holder, teneur d’états, ou tenant l’état, ou lieutenant dans toute la basse Allemagne.

Philippe II, en 1559, donna le gouvernement de Hollande, de Zélande, de Frise, et d’Utrecht, à Guillaume de Nassau, prince d’Orange. On peut observer que ce titre de prince ne signifiait pas prince de l’empire. La principauté de la ville d’Orange, tombée de la maison de Châlons dans la Sienne par une donation, était un ancien fief du royaume d’Arles, devenu indépendant. Guillaume tirait une plus grande illustration de la maison impériale dont il était ; mais quoique cette maison, aussi ancienne que celle d’Autriche, eût donné un empereur à l’Allemagne, elle n’était pas au rang des princes de l’empire. Ce titre de prince, qui ne commença à être en usage que vers le temps de Frédéric II, ne fut pris que par les plus grands terriens. Le sang impérial ne donnait aucun droit, aucun honneur ; et le fils d’un empereur qui n’aurait possédé aucune terre n’était qu’empereur s’il était élu, et simple gentilhomme s’il ne succédait pas à son père. Guillaume de Nassau était comte dans l’empire, comme le roi Philippe II était comte de Hollande et seigneur de Malines ; mais