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CHAPITRE CLXIX.

lequel il était dit expressément que la reine ne se pouvait dispenser de l’épouser, puisqu’il l’avait enlevée, et qu’il avait couché avec elle. Tous ces faits sont avérés ; les lettres de Marie à Bothwell ont été contestées, mais elles portent un caractère de vérité auquel il est difficile de ne pas se rendre. Ces attentats soulevèrent l’Écosse. Marie, abandonnée de son armée, fut obligée de se rendre aux confédérés. Bothwell s’enfuit dans les îles Orcades ; on obligea la reine de céder la couronne à son fils, et on lui permit de nommer un régent. Elle nomma le comte de Murray, son frère. Ce comte ne l’en accabla pas moins de reproches et d’injures. Elle se sauve de sa prison. L’humeur dure et sévère de Murray procurait à la reine un parti. Elle lève six mille hommes ; mais elle est vaincue, et se réfugie sur les frontières d’Angleterre (1568). Élisabeth la fit d’abord recevoir avec honneur dans Carlisle ; mais elle lui fit dire qu’étant accusée par la voix publique du meurtre du roi son époux, elle devait s’en justifier, et qu’elle serait protégée si elle était innocente.

Élisabeth se rendit arbitre entre Marie et la régence d’Écosse. Le régent vint lui-même jusqu’à Hamptoncourt (1569), et se soumit à remettre entre les mains des commissaires anglais les preuves qu’il avait contre sa sœur. Cette malheureuse princesse, d’un autre côté, retenue dans Carlisle, accusa le comte de Murray lui-même d’être auteur de la mort de son mari, et récusa les commissaires anglais, à moins qu’on ne leur joignît les ambassadeurs de France et d’Espagne. Cependant la reine d’Angleterre fit continuer cette espèce de procès, et jouit du plaisir de voir flétrir sa rivale, sans vouloir rien prononcer. Elle n’était point juge de la reine d’Écosse ; elle lui devait un asile, mais elle la fit transférer à Tuthbury, qui fut pour elle une prison.

Ces désastres de la maison royale d’Écosse retombaient sur la nation partagée en factions produites par l’anarchie. Le comte de Murray fut assassiné par une faction qui se fortifiait du nom de Marie. Les assassins entrèrent à main armée en Angleterre, et firent quelques ravages sur la frontière.

(1570) Élisabeth envoya bientôt une armée punir ces brigands, et tenir l’Écosse en respect. Elle fit élire pour régent le comte de Lenox, frère du roi assassiné. Il n’y a dans cette démarche que de la justice et de la grandeur ; mais en même temps on conspirait en Angleterre pour délivrer Marie de la prison où elle était retenue ; le pape Pie V faisait très-indiscrètement afficher dans Londres une bulle par laquelle il excommuniait Élisabeth, et déliait ses sujets du serment de fidélité : c’est cet attentat, si fami-