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CHAPITRE CLXXIV.

laissé vide, et qui marquait la place du roi qu’on devait élire. L’ambassadeur d’Espagne y eut séance : il y harangua contre la loi salique, et proposa l’infante pour reine. Le parlement fit des remontrances au duc de Mayenne en faveur de la loi salique (1593) ; mais ces remontrances n’étaient-elles pas visiblement concertées avec ce chef de parti ? La nomination de l’infante ne lui ôtait-elle pas sa place ? le mariage de cette princesse, projeté avec le duc de Guise son neveu, ne le rendait-il pas sujet de celui dont il voulait demeurer le maître ?

Vous remarquerez qu’à ces états le parlement voulut avoir séance par députés, et ne put l’obtenir. Vous remarquerez encore que ce même parlement venait de faire brûler, par son bourreau, un arrêt du parlement du roi séant à Châlons, donné contre le légat et contre son prétendu pouvoir de présider à l’élection d’un roi de France.

À peu près dans le même temps, plusieurs citoyens ayant présenté requête à la ville et au parlement pour demander qu’on pressât au moins le roi de se faire catholique, avant de procéder à une élection, la Sorbonne déclara cette requête inepte, séditieuse, impie, inutile, attendu qu’on connaît l’obstination de Henri le relaps. Elle excommunie les auteurs de la requête, et conclut à les chasser de la ville. Ce décret, rendu en aussi mauvais latin que conçu par un esprit de démence, est du 1er novembre 1592 : il a été révoqué depuis, lorsqu’il importait fort peu qu’il le fût. Si Henri IV n’eût pas régné, le décret eût subsisté, et on eût continué de prodiguer à Philippe II le titre de protecteur de la France et de l’Église.

Des prêtres de la Ligue étaient persuadés et persuadaient aux peuples que Henri IV n’avait nul droit au trône ; que la loi salique, respectée depuis si longtemps, n’est qu’une chimère ; que c’est à l’Église seule à donner les couronnes.

On a conservé les écrits d’un nommé d’Orléans, avocat au parlement de Paris, et député aux états de la Ligue. Cet avocat développe tout ce système dans un gros livre intitulé Réponse des vrais catholiques.

C’est une chose digne d’attention que la fourberie et le fanatisme avec lesquels tous les auteurs de ce temps-là cherchent à soutenir leurs sentiments par les livres juifs : comme si les usages d’un petit peuple confiné dans les rochers de la Palestine devaient être, au bout de trois mille ans, la règle du royaume de France. Qui croirait que, pour exclure Henri IV de son héritage, on citait l’exemple d’un roitelet juif nommé Ozias, que les prêtres avaient