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CHAPITRE CLXXIV.

pendant sa vie. Le même esprit qui prépara tant d’assassinats souleva toujours contre lui la faction catholique ; et son changement nécessaire de religion lui aliéna les réformés. Sa femme, qui ne l’aimait pas, l’accabla de chagrins domestiques. Sa maîtresse même, la marquise de Verneuil, conspira contre lui : la plus cruelle satire qui attaqua ses mœurs et sa probité fut l’ouvrage d’une princesse de Conti, sa proche parente. Enfin il ne commença à devenir cher à la nation que quand il eut été assassiné. La régence inconsidérée, tumultueuse et infortunée de sa veuve augmenta les regrets de la perte de son mari. Les Mémoires du duc de Sully développèrent toutes ses vertus, et firent pardonner ses faiblesses : plus l’histoire fut approfondie, plus il fut aimé. Le siècle de Louis XIV a été beaucoup plus grand sans doute que le sien ; mais Henri IV est jugé beaucoup plus grand que Louis XIV. Enfin, chaque jour ajoutant à sa gloire, l’amour des Français pour lui est devenu une passion. On en a vu depuis peu un témoignage singulier à Saint-Denis. Un évêque du Puy-en-Velay[1] prononçait l’oraison funèbre de la reine, épouse de Louis XV : l’orateur n’attachant pas assez les esprits, quoiqu’il fît l’éloge d’une reine chérie, une cinquantaine d’auditeurs se détacha de l’assemblée pour aller voir le tombeau de Henri IV ; ils se mirent à genoux autour du cercueil, ils répandirent des larmes, on entendit des exclamations : jamais il n’y eut de plus véritable apothéose.


ADDITION.


Voici plusieurs lettres écrites de la main de Henri IV à Corisande d’Andouin, veuve de Philibert, comte de Grammont. Elles sont toutes sans date ; mais on verra aisément, par les notes, dans quel temps elles furent écrites. Il y en a de très-intéressantes, et le nom de Henri IV les rend précieuses[2].

  1. Lefranc de Pompignan : voyez dans la Correspondance la lettre à Chabanon, du 9 septembre 1768.
  2. Les neuf lettres suivantes font partie d’un recueil de quarante-une lettres de Henri IV, publiées en 1788, en 1 volume in-12 de 75 pages : sept seulement se trouvent imprimées dans le Mercure de France de 1765 et 1766, parmi beaucoup d’autres lettres de Henri IV. Comme les deux textes sont assez différents, je les donne ici conformes au recueil de 1788, avec les variantes du Mercure. Pour les deux qui ne sont point dans le Mercure, je donne les variantes de l’édition de Kehl, dont le texte a été reproduit dans la plupart des nouvelles éditions de Voltaire. (Note de M. Lequien.)