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CHAPITRE CLXXV.

dans le royaume quand Louis XIII avait emprisonné sa mère au Louvre, quand il l’avait reléguée sans aucune raison ; et alors on regardait comme un attentat l’effort qu’il voulait faire pour ôter sa mère à un rebelle. On craignait tellement la violence des conseils de Luines et les cruautés de la faiblesse du roi que son propre confesseur, le jésuite Arnoux, en prêchant devant lui avant l’accommodement, prononça ces paroles remarquables : « On ne doit pas croire qu’un prince religieux tire l’épée pour verser le sang dont il est formé : vous ne permettrez pas, sire, que j’aie avancé un mensonge dans la chaire de vérité. Je vous conjure, par les entrailles de Jésus-Christ, de ne point écouter les conseils violents, et de ne pas donner ce scandale à toute la chrétienté. »

C’était une nouvelle preuve de la faiblesse du gouvernement qu’on osât parler ainsi en chaire. Le P. Arnoux ne se serait pas exprimé autrement si le roi avait condamné sa mère à la mort. À peine Louis XIII avait-il alors une armée contre le duc d’Épernon. C’était prêcher publiquement contre le secret de l’État, c’était parler de la part de Dieu contre le duc de Luines. Ou ce confesseur avait une liberté héroïque et indiscrète, ou il était gagné par Marie de Médicis. Quel que fût son motif, ce discours public montre qu’il y avait alors de la hardiesse, même dans les esprits qui ne semblent faits que pour la souplesse. Le connétable fit, quelques années après, renvoyer le confesseur.

(1619) Cependant le roi, loin de s’emporter aux violences qu’on semblait craindre, rechercha sa mère, et traita avec le duc d’Épernon de couronne à couronne. Il n’osa pas même, dans sa déclaration, dire que d’Épernon l’avait offensé.

À peine le traité de réconciliation fut-il signé qu’il fut rompu : c’était là l’esprit du temps. De nouveaux partisans de Marie armèrent, et c’était toujours contre le duc de Luines, comme auparavant contre le maréchal d’Ancre, et jamais contre le roi. Tout favori traînait alors après lui la guerre civile. Louis XIII et sa mère se firent en effet la guerre, Marie de Médicis était en Anjou, à la tête d’une petite armée contre son fils ; on se battit au pont de Cé, et l’État était au point de sa ruine.

(1620) Cette confusion fit la fortune du célèbre Richelieu. Il était surintendant de la maison de la reine mère, et avait supplanté tous les confidents de cette princesse, comme il l’emporta depuis sur tous les ministres du roi. La souplesse et la hardiesse de son génie devaient partout lui donner la première place ou le perdre. Il ménagea l’accommodement de la mère et du fils. La