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CHAPITRE CLXXXVI.

est ici de cent vingt-deux mille quatre cents. Paul Jove, dans son Histoire de Léon X, rapporte que, du temps de Clément VII, Rome ne possédait que trente-deux mille habitants. Quelle différence de ces temps avec ceux des Trajan et des Antonin ! Environ huit mille juifs, établis à Rome, n’étaient pas compris dans ce dénombrement : ces juifs ont toujours vécu paisiblement à Rome, ainsi qu’à Livourne. On n’a jamais exercé contre eux en Italie les cruautés qu’ils ont souffertes en Espagne et en Portugal. L’Italie était le pays de l’Europe où la religion inspirait alors le plus de douceur.

Rome fut le seul centre des arts et de la politesse jusqu’au siècle de Louis XIV, et c’est ce qui détermina la reine Christine à y fixer son séjour ; mais bientôt l’Italie fut égalée dans plus d’un genre par la France, et surpassée de beaucoup dans quelques-uns. Les Anglais eurent sur elle autant de supériorité par les sciences que par le commerce. Rome conserva la gloire de ses antiquités et des travaux qui la distinguèrent depuis Jules II.

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CHAPITRE CLXXXVI.


Suite de l’Italie au xviie siècle.


La Toscane était, comme l’État du pape, depuis le XVIe siècle, un pays tranquille et heureux. Florence, rivale de Rome, attirait chez elle la même foule d’étrangers qui venaient admirer les chefs-d’œuvre antiques et modernes dont elle était remplie. On y voyait cent soixante statues publiques. Les deux seules qui décoraient Paris, celle de Henri IV et le cheval qui porte la statue de Louis XIII, avaient été fondues à Florence, et c’étaient des présents des grands-ducs.

Le commerce avait rendu la Toscane si florissante et ses souverains si riches que le grand-duc Cosme II fut en état d’envoyer vingt mille hommes au secours du duc de Mantoue, contre le duc de Savoie, en 1613, sans mettre aucun impôt sur ses sujets, exemple rare chez les nations plus puissantes.

La ville de Venise jouissait d’un avantage plus singulier, c’est que depuis le XIIIe siècle sa tranquillité intérieure ne fut pas