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PROGRÈS DES TURCS. SIÉGE DE VIENNE.

Leur pays dépeuplé, partagé entre la faction catholique et la protestante, et entre plusieurs partis, fut à la fois occupé par les armées turques et allemandes. On dit que Ragotski, prince de la Transylvanie, fut la première cause de tous ces malheurs. Il était tributaire de la Porte ; le refus de payer le tribut attira sur lui les armes ottomanes. L’empereur Léopold envoya contre les Turcs ce Montécuculli, qui depuis fut l’émule de Turenne. (1663) Louis XIV fit marcher six mille hommes au secours de l’empereur d’Allemagne, son ennemi naturel. Ils eurent part à la célèbre bataille de Saint-Gothard (1664), où Montécuculli battit les Turcs. Mais, malgré cette victoire, l’empire ottoman fit une paix avantageuse, par laquelle il garda Bude, Neuhausel même, et la Transylvanie.

Les Hongrois, délivrés des Turcs, voulurent alors défendre leur liberté contre Léopold ; et cet empereur ne connut que les droits de sa couronne. De nouveaux troubles éclatèrent. Le jeune Émerik Tékéli, seigneur hongrois, qui avait à venger le sang de ses amis et de ses parents, répandu par la cour de Vienne, souleva la partie de la Hongrie qui obéissait à l’empereur Léopold. Il se donna à l’empereur Mahomet IV, qui le déclara roi de la haute Hongrie. La Porte ottomane donnait alors quatre couronnes à des princes chrétiens : celles de la haute Hongrie, de la Transylvanie, de la Valachie, et de la Moldavie.

Il s’en fallut peu que le sang des seigneurs hongrois du parti de Tékéli, répandu à Vienne par la main des bourreaux, ne coûtât Vienne et l’Autriche à Léopold et à sa maison. Le grand-vizir Kara Mustapha, successeur d’Achmet Cuprogli, fut chargé par Mahomet IV d’attaquer l’empereur d’Allemagne, sous prétexte de venger Tékéli. Le sultan Mahomet vint assembler son armée dans les plaines d’Andrinople. Jamais les Turcs n’en levèrent une plus nombreuse ; elle était de plus de cent quarante mille hommes de troupes régulières. Les Tartares de Crimée étaient au nombre de trente mille ; les volontaires, ceux qui servent l’artillerie, qui ont soin des bagages et des vivres, les ouvriers en tout genre, les domestiques, composaient avec l’armée environ trois cent mille hommes. Il fallut épuiser toute la Hongrie pour fournir des provisions à cette multitude. Rien ne mit obstacle à la marche de Kara Mustapha. Il avança sans résistance jusqu’aux portes de Vienne (16 juillet 1683), et en forma aussitôt le siége.

Le comte de Staremberg, gouverneur de la ville, avait une garnison dont le fonds était de seize mille hommes, mais qui n’en composait pas en effet plus de huit mille. On arma les bourgeois qui étaient restés dans Vienne ; on arma jusqu’à l’université. Les