Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
INTRODUCTION.

Romains, avaient du moins vécu, jusqu’à ce ve siècle, dans une sujétion heureuse. C’est un exemple unique dans tous les âges que des vainqueurs aient bâti pour des vaincus ces vastes thermes, ces amphithéâtres, aient construit ces grands chemins qu’aucune nation n’a osé depuis tenter même d’imiter. Il n’y avait qu’un peuple. La langue latine, du temps de Théodose, se parlait de Cadix à l’Euphrate. On commerçait de Rome à Trêves et à Alexandrie avec plus de facilité que beaucoup de provinces ne trafiquent aujourd’hui avec leurs voisins. Les tributs mêmes, quoique onéreux, l’étaient bien moins que quand il fallut payer depuis le luxe et la violence de tant de seigneurs particuliers. Que l’on compare seulement l’état de Paris, quand Julien le Philosophe le gouvernait, à l’état où il fut cent cinquante ans après. Qu’on voie ce qu’était Trêves, la plus grande ville des Gaules, appelée du temps de Théodose une seconde Rome, et ce qu’elle devint après l’inondation des barbares. Autun, sous Constantin, avait dans sa banlieue vingt-cinq mille chefs de famille. Arles était encore plus peuplée. Les barbares apportèrent avec eux la dévastation, la pauvreté, et l’ignorance. Les Francs étaient au nombre de ces peuples affamés et féroces qui couraient au pillage de l’empire. Ils subsistaient de brigandages, quoique la contrée où ils s’étaient établis fût très-belle et très-fertile. Ils ne savaient pas la cultiver. Ce pays est marqué dans l’ancienne carte conservée à Vienne. On y voit les Francs établis depuis l’embouchure du Mein jusqu’à la Frise, et dans une partie de la Vestphalie, Franci ceu Chamavi. Ce n’est que par les anciens Romains mêmes que les Français, quand ils surent lire, connurent un peu leur origine.

Les Francs étaient donc une partie de ces peuples nommés Saxons, qui habitaient la Vestphalie, et quand Charlemagne leur fit la guerre, trois cents ans après, il extermina les descendants de ses pères.

Ces tribus de Francs, dont les Saliens étaient les plus illustres, s’étaient peu à peu établis dans les Gaules, non pas en alliés du peuple romain, comme on l’a prétendu, mais après avoir pillé les colonies romaines, Trêves, Cologne, Mayence, Tongres, Tournai, Cambrai : battus à la vérité par le célèbre Aétius, un des derniers soutiens de la grandeur romaine, mais unis depuis avec lui par nécessité contre Attila, profitant ensuite de l’anarchie où ces irruptions des Huns, des Goths et des Vandales, des Lombards et des Bourguignons, réduisaient l’empire, et se servant contre les empereurs mêmes des droits et des titres de maîtres de la milice et de patrices, qu’ils obtenaient d’eux. Cet empire fut déchiré en