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CHARLEMAGNE.

-père, revient ranimer ses compatriotes. Il les rassemble ; il trouve dans Brême, capitale du pays qui porte ce nom, un évêque, une église, et ses Saxons désespérés qu’on traîne à des autels nouveaux : il chasse l’évêque, qui a le temps de fuir et de s’embarquer. Charlemagne accourt, et bat encore Vitikind.

780. Vainqueur de tous côtés, il part pour Rome avec une de ses femmes, nommée Hildegarde, et deux enfants puînés, Pepin et Louis. Le pape Adrien baptise ces deux enfants, sacre Pepin roi de Lombardie, et Louis roi d’Aquitaine ; ainsi l’Aquitaine fut érigée en royaume pour quelque temps.

781-782. Le roi de France tient sa cour à Vorms, à Ratisbonne, à Cuierci[1]. Alcuin, archevêque d’York, vient l’y trouver. Le roi, qui à peine savait signer son nom, voulait faire fleurir les sciences, parce qu’il voulait être grand en tout. Pierre de Pise lui enseignait un peu de grammaire. Il n’était pas étonnant que des Italiens instruisissent des Gaulois et des Germains, mais il l’était qu’on eût toujours besoin des Anglais pour apprendre ce qui n’est pas même honoré aujourd’hui du nom de science.

On tient devant le roi des conférences qui peuvent être l’origine des académies, et surtout de celles d’Italie, dans lesquelles chaque académicien prend un nouveau nom. Charlemagne se nommait David ; Alcuin, Albinus ; et un jeune homme nommé Ilgebert, qui faisait des vers en langue romance, prenait hardiment le nom d’Homère.

783. Cependant Vitikind, qui n’apprenait point la grammaire, soulève encore les Saxons. Il bat les généraux de Charles sur le bord du Véser. Charles vient réparer cette défaite. Il est encore vainqueur des Saxons ; ils mettent bas les armes devant lui. Il leur ordonne de livrer Vitikind. Les Saxons lui répondent qu’il s’est sauvé en Danemark. Ses complices sont encore ici, répondit Charlemagne : et il en fit massacrer quatre mille cinq cents à ses yeux. C’est ainsi qu’il disposait la Saxe au christianisme[2]. Cette action ressemble à celle de Sylla ; les Romains n’ont pas du moins été assez lâches pour louer Sylla. Les barbares qui ont écrit les faits et gestes de Charlemagne[3] ont eu la bassesse de le louer, et même d’en faire un homme juste : ils ont servi de modèles à presque tous les compilateurs de l’Histoire de France.

  1. Probablement Quierzi, près des rives de l’Oise, où nos rois de la seconde race avaient un palais.
  2. La fin de cet alinéa fut ajoutée en 1772. (B.)
  3. Notamment Jean Turpin, moine de Saint-Denis et archevêque au viiie siècle, à qui l’on attribue le roman historique de Gestis Caroli magni (Cl.)