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HENRI V.

qu’il ne soit pas dit à ma honte, ou plutôt à la vôtre, que je sois forcé de mendier de nouveaux asiles dans le temps de Pâques. Si vous m’accordez ce que je vous demande, je vous en aurai une grande obligation ; si vous me refusez, j’irai plutôt vivre en villageois dans les pays étrangers que de marcher ainsi d’opprobre en opprobre dans un empire qui autrefois fut le mien. »

Quelle lettre d’un empereur à son fils ! L’hypocrite et inflexible dureté de ce jeune prince rendit quelques partisans à Henri IV. Le nouvel élu, voulant violer à Liége l’asile de son père, fut repoussé. Il alla demander en Alsace le serment de fidélité, et les Alsaciens, pour tout hommage, battirent les troupes qui l’accompagnaient, et le contraignirent de prendre la fuite ; mais ce léger échec ne fit que l’irriter et qu’aggraver les malheurs du père.

L’évêque de Liége, le duc de Limbourg, le duc de la basse Lorraine, protégeaient l’empereur. Le comte de Hainaut était contre lui. Le pape Pascal écrit au comte de Hainaut : « Poursuivez partout Henri, chef des hérétiques, et ses fauteurs ; vous ne pouvez offrir à Dieu de sacrifices plus agréables. »

Henri IV enfin, presque sans secours, prêt d’être forcé dans Liége, écrit à l’abbé de Cluny ; il semble qu’il méditât une retraite dans ce couvent. Il meurt à Liége le 7 août, accablé de douleur, et en s’écriant : « Dieu des vengeances, vous vengerez ce parricide ; » c’était une opinion aussi ancienne que vaine que Dieu exauçait les malédictions des mourants, et surtout des pères : erreur utile, si elle eût pu effrayer ceux qui méritaient ces malédictions.

Le fils dénaturé de Henri IV vient à Liége, fait déterrer de l’église le corps de son père, comme celui d’un excommunié, et le fait porter à Spire dans une cave.



HENRI V,
dix-neuvième empereur.

Les seigneurs des grands fiefs commençaient alors à s’affermir dans le droit de souveraineté. Ils s’appelaient co-imperantes, se regardant comme des souverains dans leurs fiefs, et vassaux de l’empire, non de l’empereur. Ils recevaient à la vérité de lui les fiefs vacants ; mais la même autorité qui les leur donnait ne pouvait les leur ôter. C’est ainsi qu’en Pologne le roi confère les palatinats, et la république seule a le droit de destitution. En effet,