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ANNALES DE L’EMPIRE.

et des familles. Quelques anciens capitaines de Frédéric II employaient ces noms de faction qui échauffent les esprits pour attirer du monde sous leurs drapeaux, et autorisaient leurs brigandages du prétexte de soutenir les droits de l’empire. Des brigands opposés feignaient de servir le pape qui ne les en chargeait pas, et ravageaient l’Italie en son nom.

Parmi ces brigands qui se rendirent illustres, il y eut surtout un partisan de Frédéric II, nommé Ezzelino, qui fut sur le point de s’établir une grande domination et de changer la face des affaires. Il est encore fameux par ses ravages ; d’abord il ramassa quelque butin à la tête d’une troupe de voleurs ; avec ce butin il leva une petite armée. Si la fortune l’eût toujours secondé, il devenait un conquérant ; mais enfin il fut pris dans une embuscade, et Rome, qui le craignait, en fut délivrée. Les factions guelfe et gibeline ne s’éteignirent pas avec lui. Elles subsistèrent longtemps, et furent violentes, même pendant que l’Allemagne, sans empereur véritable dans l’interrègne qui suivit la mort de Conrad, ne pouvait plus servir de prétexte à ces troubles.

Un pape, dans ces circonstances, avait une place bien difficile à remplir. Obligé, par sa qualité d’évêque, de prêcher la paix au milieu de la guerre, se trouvant à la tête du gouvernement romain sans pouvoir parvenir à l’autorité absolue, ayant à se défendre des gibelins, à ménager les guelfes, craignant surtout une maison impériale qui possédait Naples et Sicile : tout était équivoque dans sa situation. Les papes, depuis Grégoire VII, eurent toujours avec les empereurs cette conformité : les titres de maîtres du monde, et la puissance la plus gênée. Et, si on y fait attention, on verra que, dès le temps des premiers successeurs de Charlemagne, l’empire et le sacerdoce sont deux problèmes difficiles à résoudre.

Conrad fait venir un de ses frères[1], à qui Frédéric II avait donné le duché d’Autriche. Ce jeune prince meurt, et on soupçonne Conrad de l’avoir empoisonné : car, dans ce temps, il fallait qu’un prince mourût de vieillesse pour qu’on n’imputât pas sa mort au poison.

Conrad IV meurt bientôt après, et on accuse Mainfroi de l’avoir fait périr par le même crime.

L’empereur Conrad IV, mort à la fleur de son âge, laissait un enfant, ce malheureux Conradin dont Mainfroi prit la tutelle. Le

  1. Henri, cité comme gouverneur de la Sicile, dans le Catalogue chronologique, n° 26. (Cl.)