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ALBERT Ier D'AUTRICHE.

à main armée. Charobert se propose toujours pour la Hongrie, et un seigneur polonais, nommé Vladislas Locticus, est élu, ou plutôt rétabli en Pologne ; mais l’empereur n’y a aucune part.

1306. Voici une injustice qui ne paraît pas d’un prince habile. L’empereur Adolphe de Nassau avait perdu la couronne et la vie pour s’être attiré la haine des Allemands, et cette haine fut principalement fondée sur ce qu’il voulut dépouiller à prix d’argent les héritiers légitimes de la Misnie et de la Thuringe.

Philippe de Nassau, frère de cet empereur, réclama ces pays si injustement achetés. Albert se déclare pour lui dans l’espérance d’en obtenir une part. Les princes de Thuringe se défendent. Ils sont mis sans formalités au ban de l’empire. Cette proscription leur donne des partisans et une armée. Ils taillent en pièces l’armée de l’empereur, qui est trop heureux de les laisser paisibles dans leurs États. On voit toujours, en général, dans les Allemands, un grand fonds d’attachement pour leurs droits, et c’est ce qui a fait subsister si longtemps ce gouvernement mixte : édifice souvent prêt à écrouler, et cependant toujours ferme.

1307. Le pape Clément V envoie un légat en Hongrie, qui donne la couronne à Charobert au nom du saint-siége. Autrefois les empereurs donnaient ce royaume : alors les papes en disposaient, ainsi que de celui de Naples. Les Hongrois aimaient mieux être vassaux des papes désarmés que des empereurs qui pouvaient les asservir. Il valait mieux n’être vassal de personne.

Origine de la liberté des Suisses.

La Suisse relevait de l’empire, et une partie de ce pays était domaine de la maison d’Autriche, comme Fribourg, Lucerne, Zug, Claris. Ces petites villes, quoique sujettes, avaient de grands priviléges, et étaient au rang des villes mixtes de l’empire ; d’autres étaient impériales, et se gouvernaient par leurs citoyens, comme Zurich, Bâle, et Schaffouse. Les cantons d’Uri, de Schvitz, et d’Undervald, étaient sous le patronage de la maison d’Autriche, mais non sous sa domination.

L’empereur Albert voulut être despotique dans tout le pays. Les gouverneurs et les commissaires qu’il y envoya y exercèrent une tyrannie qui causa d’abord beaucoup de malheurs, et qui ensuite produisit le bonheur de la liberté.

Les fondateurs de cette liberté se nomment Melchtal, Stauffa-