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CHARLES IV.

que les princes se visitassent. Il va donc de Prague à Paris avec son fils Venceslas, roi des Romains. Il ne vit guère, depuis les frontières jusqu’à Paris, un plus beau pays que le sien. Paris ne méritait pas sa curiosité ; l’ancien palais de saint Louis, qui subsiste encore[1], et le château du Louvre, qui ne subsiste plus, ne valaient pas la peine du voyage. On ne se tirait de la barbarie qu’en Toscane, et encore n’y avait-on pas réformé l’architecture.

S’il y eut quelque chose de sérieux dans ce voyage, ce fut la charge de vicaire de l’empire dans l’ancien royaume d’Arles, qu’il donna au dauphin. Ce fut longtemps une grande question entre les publicistes, si le Dauphiné devait toujours relever de l’empire ; mais depuis longtemps ce n’en est plus une entre les souverains. Il est vrai que le dernier dauphin Humbert, en donnant le Dauphiné au second fils de Philippe de Valois, ne le donna qu’aux mêmes droits qu’il le possédait. Il est vrai encore qu’on a prétendu que Charles IV lui-même avait renoncé à tous ses droits ; mais ils ne furent pas moins revendiqués par ses successeurs. Maximilien Ier réclama toujours la mouvance du Dauphiné ; mais il fallait que ce droit fût devenu bien caduc, puisque Charles-Quint, en forçant François Ier son prisonnier à lui céder la Bourgogne par le traité de Madrid, ne fait aucune mention de l’hommage du Dauphiné à l’empire. Toute la suite de cette histoire fait voir combien le temps change les droits.

1378. Un gentilhomme français, Enguerrand de Coucy, profite du voyage de l’empereur en France pour lui demander une étrange permission : celle de faire la guerre à la maison d’Autriche; il était arrière-petit-fils de l’empereur Albert d’Autriche par sa mère, fille de Léopold. Il demandait tous les biens de Léopold, comme n’étant point des fiefs masculins. L’empereur lui donne toute permission. Il ne s’attendait pas qu’un gentilhomme picard pût avoir une armée. Coucy en eut pourtant une très-considérable, fournie par ses parents et par ses amis, par l’esprit de chevalerie, par une partie de son bien qu’il vendit, et par l’espoir du butin, qui enrôle toujours beaucoup de monde dans les entreprises extraordinaires. Il marche vers les domaines d’Alsace et de Suisse, qui appartiennent à la maison d’Autriche ; il n’y avait pas là de quoi payer ses troupes ; quelques contributions de Strasbourg ne suffisent pas pour lui faire tenir longtemps la campagne. Son

  1. C’est aujourd’hui le palais de justice ; et, malgré les changements qui ont été faits successivement, une partie est encore appelée Cuisines de saint Louis. La cour de cassation siége dans l’ancienne Chambre de saint Louis. (B.)