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ANNALES DE L’EMPIRE.

l’année. Frédéric reprend son Tyrol, et Ernest, son frère, s’en tient à la Stirie, qui était son apanage. Mais les Suisses, qui s’étaient saisis de quelques villes de ce duc d’Autriche, les gardent et fortifient leur ligue.

1417. L’empereur retourne à Constance ; il y donne avec la plus grande pompe l’investiture de Mayence, de la Saxe, de la Poméranie, de plusieurs principautés : investiture qu’il faut prendre à chaque mutation d’empereur ou de vassal.

Il vend son électoral de Brandebourg à Frédéric de Hohenzollern, burgrave de Nuremberg[1], pour la somme de quatre cent mille florins d’or, que le burgrave avait amassée ; somme très-considérable en ce temps-là. Quelques auteurs disent seulement cent mille, et sont plus croyables.

Sigismond se réserve, par le contrat, la faculté de racheter le Brandebourg pour la même somme, en cas qu’il ait des enfants.

Sentence de déposition prononcée dans le concile, en présence de l’empereur, contre le pape Pierre Luna, déclaré dans la sentence parjure, perturbateur du repos public, hérétique, rejeté de Dieu, et opiniâtre. La qualité d’opiniâtre était la seule qu’il méritât bien.

L’empereur propose au concile de réformer l’Église avant de créer un pape. Plusieurs prélats crient à l’hérétique, et on fait un pape sans réformer l’Église.

Vingt-trois cardinaux et trente-trois prélats du concile, députés des nations, s’assemblent dans un conclave. C’est le seul exemple que d’autres prélats que des cardinaux aient eu droit de suffrage, depuis que le sacré collége s’était réservé à lui seul l’élection des papes ; car Grégoire VII fut élu par l’acclamation du peuple.

On élit le 11 novembre Othon Colonne, qui change ce beau nom contre celui de Martin ; c’est de tous les papes celui dont la consécration a été la plus auguste. Il fut conduit à l’église par l’empereur et l’électeur de Brandebourg, qui tenaient les rênes de son cheval, suivis de cent princes, des ambassadeurs de tous les rois, et d’un concile entier.

1418. Au milieu de ce vaste appareil d’un concile, et parmi tant de soins apparents de rendre la paix à l’Église, et à l’empire sa dignité, quelle fut la principale occupation de Sigismond? celle d’amasser de l’argent.

Non content de vendre son électoral de Brandebourg, il s’était hâté, pendant la tenue du concile, de vendre à son profit quel-

  1. Ce burgrave est la souche de toute la maison actuelle de Brandebourg. (G. A.)