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CHARLES-QUINT.

de croire qu’un notaire de Madrid ait voulu et pu venir signer un tel acte dans la prison du roi.

Le dauphin et le duc d’Orléans sont amenés en Espagne, échangés avec leur père[1], au milieu de la rivière d’Andaye, et menés en otage.

Charles aurait pu avoir la Bourgogne s’il se l’était fait céder avant de relâcher son prisonnier. Le roi de France exposa ses deux enfants au courroux de l’empereur en ne tenant pas sa parole. Il y a eu des temps où cette infraction aurait coûté la vie à ces deux princes.

François Ier se fait représenter par les états de Bourgogne qu’il n’a pu céder cette grande province de la France. Il ne fallait donc pas la promettre. Ce roi était dans un état où tous les partis étaient tristes pour lui.

Le 22 mai, François Ier, à qui ses malheurs et ses ressources ont donné des amis, signe à Cognac une ligue avec le pape Clément VII, le roi d’Angleterre, les Vénitiens, les Florentins, les Suisses, contre l’empereur. Cette ligue est appelée sainte, parce que le pape en est le chef. Le roi stipule de mettre en possession du Milanais ce même duc François Sforce qu’il avait voulu dépouiller. Il finit par combattre pour ses anciens ennemis. L’empereur voit tout d’un coup la France, l’Angleterre, l’Italie, armées contre sa puissance, parce que cette puissance même n’a pas été assez grande pour empêcher cette révolution, et parce qu’il est resté oisif à Madrid au lieu d’aller profiter de la victoire de ses généraux.

Dans ce chaos d’intrigues et de guerres, les Impériaux étaient maîtres de Milan et de presque toute la province. François Sforce avait le seul château de Milan.

Mais dès que la ligue est signée, le Milanais se soulève ; il prend le parti de son duc. Les Vénitiens marchent et enlèvent Lodi à l’empereur. Le duc d’Urbin, à la tête de l’armée du pape, est dans le Milanais. Malgré tant d’ennemis, le bonheur de Charles-Quint lui conserve l’Italie. Il devait la perdre en restant à Madrid ; le vieil Antoine de Lève et ses autres généraux la lui conservent. François Ier ne peut assez tôt faire partir des troupes de son royaume épuisé. L’armée du pape se conduit lâchement ; celle de Venise mollement. François Sforce est obligé de rendre son château de Milan. Un très-petit nombre d’Espagnols et d’Alle-

  1. Le 18 mars, selon Robertson. La rivière d’Andaye est plus connue sous le nom de Bidassoa, surtout depuis la paix de 1659.