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ANNALES DE L’EMPIRE.

d’État que l’usage autorise ; il y en a d’autres que l’usage, et surtout la chevalerie de ce temps-là, n’autorisaient pas. On tient que le roi lui fit seulement promettre de donner le Milanais au duc d’Orléans, frère du dauphin Henri, et qu’il se contenta d’une parole vague ; il se piqua, dans cette occasion, d’avoir plus de générosité que de politique.

Charles entre dans Gand avec deux mille cavaliers et six mille fantassins qu’il avait fait venir. Les Gantois pouvaient mettre, dit-on, quatre-vingt mille hommes en armes, et ne se défendirent pas.

1540. Le 12 mai, on fait pendre vingt-quatre bourgeois de Gand ; on ôte à la ville ses priviléges ; on jette les fondements d’une citadelle, et les citoyens sont condamnés à payer trois cent mille ducats pour la bâtir, et neuf mille par an pour l’entretien de la garnison. Jamais on ne fit mieux valoir la loi du plus fort ; la ville de Gand avait été impunie quand elle versa le sang des ministres de Marie de Bourgogne[1] aux yeux de cette princesse : elle fut accablée quand elle voulut soutenir de véritables droits.

François Ier envoie à Bruxelles sa femme Éléonore solliciter l’investiture du Milanais ; et, pour la faciliter, non-seulement il renonce à l’alliance des Turcs, mais il fait une ligue offensive contre eux avec le pape. Le dessein de l’empereur était de lui faire perdre son allié, et de ne lui point donner le Milanais.

En Allemagne, la religion luthérienne et la ligue de Smalcalde prennent de nouvelles forces par la mort de George de Saxe, puissant prince souverain de la Misnie et de la Thuringe : c’était un catholique très-zélé ; et son frère Henri, qui continua sa branche, était un luthérien déterminé. George, par son testament, déshérite son frère et ses neveux, en cas qu’ils ne retournent point à la religion de leurs pères, et donne ses États à la maison d’Autriche : c’était un cas tout nouveau. Il n’y avait point de loi dans l’empire qui privât un prince de ses États pour cause de religion. L’électeur de Saxe, Jean Frédéric, et le magnanime landgrave de Hesse, gendre de George, conservent la succession à l’héritier naturel, en lui fournissant des troupes contre ses sujets catholiques. Luther vient les prêcher, et tout le pays est bientôt aussi luthérien que la Saxe et la Hesse.

Le luthéranisme se signale en permettant la polygamie. La femme du landgrave, fille de George, indulgente pour son mari, à qui elle ne pouvait plaire, lui permit d’en avoir une seconde.

  1. Voyez tome XII, page 126.