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CHARLES-QUINT.

perte. La mort du roi d’Angleterre Henri VIII, arrivée le 28 janvier, et la maladie qui conduisait dans le même temps François Ier à sa fin, le délivraient des deux protecteurs de la ligue de Smalcalde.

1547. Charles réussit aisément à détacher le vieux duc de Virtemberg de la ligue. Il était alors si irrité contre les révoltes dont la religion est la cause ou le prétexte, qu’il voulut établir à Naples l’Inquisition, dès longtemps reçue en Espagne ; mais il y eut une si violente sédition que ce tribunal fut aboli aussitôt qu’établi. L’empereur aima mieux tirer quelque argent des Napolitains pour l’aider à dompter la ligue de Smalcalde que de s’obstiner à faire recevoir l’Inquisition, dont il ne tirait rien.

La ligue semblait presque détruite par la soumission du Palatinat et du Virtemberg ; mais elle prend de nouvelles forces par la jonction des citoyens de Prague et de plusieurs cantons de la Bohême, qui se révoltent contre Ferdinand leur souverain, et qui vont secourir les confédérés. Le margrave de Culembach, Albert de Brandebourg, surnommé l’Alcibiade, dont on a déjà parlé[1], est à la vérité pour l’empereur ; mais ses troupes sont défaites, et il est pris par l’électeur de Saxe.

Pour compenser cette perte, l’électeur de Brandebourg, Jean le Sévère, tout luthérien qu’il est, prend les armes en faveur du chef de l’empire, et donne du secours à Ferdinand contre les Bohémiens.

Tout était en confusion vers l’Elbe, et on n’entendait parler que de combats et de pillages. Enfin l’empereur passe l’Elbe avec une forte armée, vers Muhlberg. Son frère l’accompagnait avec ses enfants, Maximilien et Ferdinand ; et le duc d’Albe était son principal général.

On attaque l’armée de Jean-Frédéric-Henri, duc électeur de Saxe, si célèbre par son malheur. Cette bataille de Muhlberg, près de l’Elbe, fut décisive. On dit qu’il n’y eut que quarante hommes de tués du côté de l’empereur : ce qui est bien difficile à croire. L’électeur de Saxe, blessé, est prisonnier avec le jeune prince Ernest de Brunsvick, Charles fait condamner le 12 mai l’électeur de Saxe, par le conseil de guerre, à perdre la tête. Le sévère duc d’AIbe présidait à ce tribunal. Le secrétaire du conseil signifia le même jour la sentence à l’électeur, qui se mit à jouer aux échecs avec le prince Ernest de Brunsvick.

Le duc Maurice, qui devait avoir son électorat, voulut encore avoir la gloire aisée de demander sa grâce. Charles accorde la

  1. Pages 492, 500, et 511.