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ANNALES DE L’EMPIRE.

La première année de son règne est remarquable par la diète de Ratisbonne, qui confirme la paix de la religion, par l’accommodement de la maison de Hesse et de celle de Nassau.

L’électeur palatin, celui de Saxe, et le duc de Clèves, choisis pour austrègues, adjugent le comté de Darmstadt à Philippe, landgrave de Hesse ; et le comté de Dietz à Guillaume de Nassau.

Cette année est encore marquée par une petite guerre qu’un archevêque de Brême, de la maison de Brunsvick, fait à la Frise. On vit alors de quelle utilité pouvait être la sage institution des cercles et des directeurs des cercles par Frédéric III et Maximilien. L’assemblée du cercle de la basse Saxe rétablit la paix.

1558. Enfin, le 28 février[1], les électeurs confirment à Francfort l’abdication de Charles et le règne de son frère. On envoie une ambassade au pape, qui ne veut pas la recevoir, et qui prétend toujours que Ferdinand n’est pas empereur. Les ambassadeurs font leur protestation, et se retirent de Rome. Ferdinand n’en est pas moins reconnu en Allemagne. Quelle étrange idée dans un prêtre élu évêque de Rome de prétendre qu’on ne peut être empereur sans sa permission !

Le duché de Slesvick est encore reconnu indépendant de l’empire.

Le plus grand événement de cette année est la mort de Charles-Quint, le 21 septembre. On sait que, par une dévotion bizarre, il avait fait célébrer ses obsèques avant sa dernière maladie ; qu’il y avait assisté lui-même en habit de deuil, et s’était mis dans la bière au milieu de l’église de Saint-Just, tandis qu’on lui chantait un De profundis[2]. Il sembla, dans les dernières actions de sa vie, tenir un peu de Jeanne, sa mère, lui qui n’avait, sur le trône, agi qu’en politique, en héros, et en homme sensible aux plaisirs. Son esprit rassemblait tant de contrastes qu’avec cette dévotion plus que monacale, il fut soupçonné de mourir attaché à plus d’un dogme de Luther. Jusqu’où va la faiblesse et la bizarrerie humaine ! Maximilien voulut être pape[3] ; Charles-Quint meurt moine, et meurt soupçonné d’hérésie[4].

Depuis les funérailles d’Alexandre, rien de plus superbe que les obsèques de Charles-Quint dans toutes les principales villes de ses États. Il en coûta soixante et dix mille ducats à Bruxelles,

  1. Voyez la note précédente.
  2. Voyez tome XII, page 274.
  3. Voyez année 1512.
  4. Consultez sur la vie de Charles-Quint à Saint-Just les Mémoires historiques publics par M. Mignet.