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ANNALES DE L’EMPIRE.

Cette province semblait à jamais perdue pour la maison d’Autriche. Le nouveau sultan Achmet, maître d’une si grande partie de la Hongrie, jeune et ambitieux, faisait craindre que Presbourg ou Vienne ne devînt les limites des deux empires. On avait été toujours dans ces alarmes sur la fin du règne de Rodolphe ; mais la vaste étendue de l’empire ottoman, qui depuis si longtemps inquiétait les chrétiens, fut ce qui les sauva. Les Turcs étaient souvent en guerre avec les Persans. Leurs frontières, du côté de la mer Noire, souffraient beaucoup des révoltes des Géorgiens et des Mingréliens. On contenait difficilement les Arabes, et il arrivait souvent que dans le temps même qu’on craignait en Hongrie et en Italie une nouvelle inondation de Turcs, ils étaient obligés de faire une paix même désavantageuse pour la défense de leur propre pays.

1615. L’empereur Mathias a le bonheur de conclure avec le sultan Achmet un traité plus favorable que la guerre n’eût pu l’être. Il stipule, sans tirer l’épée, la restitution d’Agria, de Canise, d’Albe-Royale, de Pest, et même de Bude : ainsi il est en possession de presque toute la Hongrie, en laissant toujours la Transylvanie et Bethlem-Gabor sous la protection des Ottomans. Ce traité augmente la puissance de Mathias. L’affaire de la succession de Juliers est presque la seule chose qui inquiète l’intérieur de l’empire ; mais Mathias ménage les princes protestants, en laissant toujours ce pays partagé entre la maison palatine de Neubourg et celle de Brandebourg. Il avait besoin de ces ménagements pour perpétuer l’empire dans la maison d’Autriche.

1616. Cette année et les suivantes sont remplies de négociations et d’intrigues, Mathias était sans enfants, et avait perdu sa santé et son activité. Il fallait, pour assurer l’empire à sa maison, commencer par lui assurer la Bohême et la Hongrie. Les conjonctures étaient délicates : les états de ces deux royaumes étaient jaloux du droit d’élection ; l’esprit de parti y régnait, et l’esprit d’indépendance encore plus ; la différence des religions y nourrissait la discorde, mais les protestants et les catholiques aimaient également leurs priviléges. Les princes d’Allemagne paraissaient encore moins disposés à choisir un empereur autrichien ; et l’union évangélique, toujours subsistante, laissait peu d’espérance à cette maison.

Il lui faut donc commencer par assurer la succession de la Bohême et de la Hongrie. Il avait ravi ces États à son frère ; il n’en fait point passer l’héritage aux frères qui lui restent, Maximilien et Albert. Il n’y a guère d’apparence qu’ils y aient tous