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ANNALES DE L’EMPIRE.

projet : la France ne pouvait encore s’y opposer ouvertement ; et il ne paraissait pas qu’aucune puissance de l’Europe fût en état de le traverser. Le duc de Valstein, à la tête d’une puissante armée, commença par faire exécuter l’édit de l’empereur dans la Souabe et dans le duché de Virtemberg ; mais les églises catholiques gagnaient peu à ces restitutions : on prenait beaucoup aux protestants, les officiers de Valstein s’enrichissaient, et ses troupes vivaient aux dépens des deux partis, qui se plaignirent également.

1630. Ferdinand se voyait précisément dans le cas de Charles-Quint au temps de la ligue de Smalcalde. Il fallait ou que tous les princes de l’empire fussent entièrement soumis, ou qu’il succombât ; c’était la lutte du pouvoir impérial despotique contre le gouvernement féodal ; et les peuples, pressés par ces deux colosses, étaient écrasés. L’électeur de Saxe se repentait alors d’avoir aidé à accabler le palatin ; et ce fut lui qui, de concert avec les autres princes protestants, engagea secrètement Gustave-Adolphe, roi de Suède, à venir en Allemagne, au lieu du roi de Danemark, dont le secours avait été si inutile.

L’électeur de Bavière n’était guère plus attaché alors à l’empereur ; il aurait voulu toujours commander les armées de l’empire, et par là tenir Ferdinand lui-même dans la dépendance : enfin il aspirait à se faire élire un jour roi des Romains, et négociait en secret avec la France, tandis que les protestants appelaient le roi de Suède.

Ferdinand assemble une diète à Ratisbonne ; son dessein était de faire élire roi des Romains Ferdinand-Ernest, son fils : il voulait engager l’empire à le seconder contre Gustave-Adolphe, si ce roi venait en Allemagne ; et contre la France, en cas qu’elle continuât à protéger contre lui le duc de Mantoue ; mais, malgré sa puissance, il trouve si peu de bonne volonté dans l’esprit des électeurs qu’il n’ose pas même proposer l’élection de son fils.

Les électeurs de Saxe et de Brandebourg n’étant point venus à cette assemblée, y exposent leurs griefs par des députés. L’électeur de Bavière même est le premier à dire « qu’on ne peut délibérer librement dans les diètes tant que l’empereur aura cent cinquante mille hommes ». Les électeurs ecclésiastiques, et les évêques qui sont à la diète, pressent la restitution des biens de l’Église ; ce projet ne peut se consommer qu’en conservant l’armée, et l’armée ne peut se conserver qu’aux dépens de l’empire, qui est en alarmes. L’électeur de Bavière, qui veut la commander, exige de Ferdinand la déposition du duc de Valstein. Ferdinand pouvait commander lui-même, et ôter ainsi tout pré-