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FERDINAND II.

Cette perte fut fatale au palatin, qui attendait de Gustave son rétablissement. Il était malade alors à Mayence. Cette nouvelle augmenta sa maladie, dont il mourut le 19 novembre.

Valstein, après la journée de Lutzen, se retire dans la Bohême. On s’attendait dans l’Europe que les Suédois, n’ayant plus Gustave à leur tête, sortiraient bientôt de l’Allemagne ; mais le général Bannier les conduisit en Bohême. Il faisait porter au milieu d’eux le corps de leur roi, pour les exciter à le venger.

1633. Gustave laissait sur le trône de Suède une fille âgée de six ans[1], et par conséquent des divisions dans le gouvernement. La même division se trouvait dans la ligue protestante par la mort de celui qui en avait été le chef et le soutien. Tout le fruit de tant de victoires devait être perdu, et ne le fut pourtant pas. La véritable raison peut-être d’un événement si extraordinaire, c’est que l’empereur n’agissait que de son cabinet, dans le temps qu’il eût dû faire les derniers efforts à la tête de ses armées. Le sénat de Suède chargea le chancelier Oxenstiern de suivre en Allemagne les vues du grand Gustave, et lui donna un pouvoir absolu. Oxenstiern alors joua le plus beau rôle que jamais particulier ait eu en Europe. Il se trouva à la tête de tous les princes protestants d’Allemagne.

Ces princes s’assemblent à Heilbron, le 19 mars. Les ambassadeurs de France, d’Angleterre, des États-Généraux, se rendent à l’assemblée. Oxenstiern en fait l’ouverture dans sa maison, et il se signale d’abord en faisant restituer le haut et le bas Palatinat à Charles-Louis, fils du palatin dépossédé. Le prince Charles-Louis parut comme électeur dans une des assemblées ; mais cette cérémonie ne lui rendait pas ses États.

Oxenstiern renouvelle avec le cardinal de Richelieu le traité de Gustave-Adolphe ; mais on ne lui donne qu’un million de subsides par an, au lieu de douze cent mille livres qu’on avait continué de donner à son maître. Il semble petit et honteux que le cardinal de Richelieu marchande et dispute sur le prix de la destinée de l’empire ; mais la France n’était pas riche, et il fallait soudoyer le Nord.

Ferdinand négocie avec chaque prince protestant. Il veut les diviser, il ne réussit pas. La guerre continue toujours avec des succès balancés dans l’Allemagne désolée. L’Autriche est le seul

  1. Christine, célèbre par sa conversion au catholicisme, et le meurtre de Monaldeschi : voyez, tome XIV, le chapitre vi du Siècle de Louis XIV. Voltaire appelle cette reine la cruelle folle, dans sa lettre à d’Alembert du 8 mai 1773. (B.)