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FERDINAND II.

s’occupait du projet de faire servir l’armée qu’il commandait dans la Bohême à sa propre grandeur, et à se rendre indépendant d’un empereur qui semblait ne se pas assez secourir lui-même, et qui était toujours en défiance de ses généraux. On prétend que Valstein négociait avec les princes protestants, et même avec la Suède et la France ; mais ces intrigues, dont on l’accusa, ne furent jamais manifestées. La conspiration de Valstein est au rang des histoires reçues, et on ignore absolument quelle était cette conspiration. On devinait ses projets. Son véritable crime était d’attacher son armée à sa personne, et de vouloir s’en rendre le maître absolu. Le temps et les occasions eussent fait le reste. Il se fit prêter serment par les principaux officiers de cette armée qui lui étaient le plus dévoués. Ce serment consistait à promettre de défendre sa personne et de s’attacher à sa fortune. Quoique cette démarche pût se justifier par les amples pouvoirs que l’empereur avait donnés à Valstein, elle devait alarmer le conseil de Vienne. Valstein avait contre lui, dans cette cour, le parti d’Espagne et le parti bavarois. Ferdinand prend la résolution de faire assassiner Valstein et ses principaux amis. On chargea de cet assassinat Butler, Irlandais à qui Valstein avait donné un régiment de dragons, un Écossais nommé Lascy, qui était capitaine de ses gardes, et un autre Écossais nommé Gordon. Ces trois étrangers ayant reçu leur commission dans Égra, où Valstein se trouvait pour lors, font égorger d’abord dans un souper quatre officiers qui étaient les principaux amis du duc, et vont ensuite l’assassiner lui-même dans le château, le 15 février. Si Ferdinand II fut obligé d’en venir à cette extrémité odieuse, il faut la compter pour un de ses plus grands malheurs.

Tout le fruit de cet assassinat fut d’aigrir tous les esprits en Bohême et en Silésie. La Bohême ne remua pas, parce qu’on sut la contenir par l’armée ; mais les Silésiens se révoltèrent, et s’unirent aux Suédois.

Les armes de Suède tenaient toute l’Allemagne en échec, comme du temps de leur roi ; le général Bannier dominait sur tout le cours de l’Oder ; le maréchal de Horn, vers le Rhin ; le duc Bernard de Veimar, vers le Danube ; l’électeur de Saxe, dans la Bohême et dans la Lusace. L’empereur restait toujours dans Vienne. Son bonheur voulut que les Turcs ne l’attaquassent pas dans ces funestes conjonctures. Amurat IV était occupé contre les Persans, et Bethlem-Gabor était mort[1].

  1. En novembre 1629.