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FERDINAND II.

déclarer enfin la guerre à l’empereur. Cet électeur était en prison à Bruxelles sous la garde du cardinal infant ; et ce fut encore un prétexte de déclarer la guerre à la branche autrichienne espagnole.

La France n’unit donc ses armes à celles des Suédois que quand les Suédois furent malheureux, et lorsque la victoire de Nordlingue relevait le parti impérial. Le cardinal de Richelieu partageait déjà en idée la conquête des Pays-Bas espagnols avec les Hollandais : il comptait alors y aller commander lui-même, et avoir un prince d’Orange (Frédéric-Henri) sous ses ordres. Il avait en Allemagne, vers le Rhin, Bernard de Veimar à sa solde ; l’armée de Veimar, qu’on appelait les troupes veimariennes, était devenue, comme celle de Charles IV de Lorraine et celle de Mansfeld, une armée isolée, indépendante, appartenante à son chef : on la fit passer pour l’armée des cercles de Souabe, de Franconie, du haut et bas Rhin, quoique ces cercles ne l’entretinssent pas, et que la France la payât.

C’est là le sort de la guerre de trente ans. On voit d’un côté toute la maison d’Autriche, la Bavière, la ligue catholique ; et de l’autre, la France, la Suède, la Hollande, et la ligue protestante.

L’empereur ne pouvait pas négliger de désunir cette ligue protestante après la victoire de Nordlingue, et il y a grande apparence que la France s’y prit trop tard pour déclarer la guerre. Si elle l’eût faite dans le temps que Gustave-Adolphe débarquait en Allemagne, les troupes françaises entraient alors sans résistance dans un pays mécontent et effarouché de la domination de Ferdinand ; mais, après la mort de Gustave, après Nordlingue, elles venaient dans un temps ou l’Allemagne était lasse des dévastations des Suédois, et où le parti impérial reprenait la supériorité.

Dans le temps même que la France se déclarait, l’empereur ne manquait pas de faire avec la plupart des princes protestants un accommodement nécessaire. L’électeur de Saxe, celui-là même qui avait appelé le premier les Suédois[1], fut le premier à les abandonner par ce traité, qui s’appelle la paix de Prague. Peu de traités font mieux voir combien la religion sert de prétexte aux politiques, comme on s’en joue, et comme on la sacrifie dans le besoin.

L’empereur avait mis l’Allemagne en feu pour la restitution des bénéfices ; et, dans la paix de Prague, il commence par abandonner l’archevêché de Magdebourg et tous les biens ecclésiastiques à l’électeur de Saxe, luthérien, moyennant une pension

  1. Voyez année 1631.