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ÉTAT DE L’EMPIRE SOUS LÉOPOLD Ier.

dable, d’excellents ingénieurs, devaient nécessairement l’emporter sur un pays à qui tout cela manquait. Il est même surprenant que la France ne remportât pas de plus grands avantages contre des armées levées à la hâte, souvent mal payées et mal pourvues, et surtout contre des corps de troupes commandés par des princes qui s’accordaient peu, et qui avaient des intérêts différents, La France, dans cette guerre terminée par la paix de Nimègue, triompha, par la supériorité de son gouvernement, de l’Allemagne, de l’Espagne, de la Hollande réunies, mais mal réunies.

La fortune fut moins inégale dans la seconde guerre, produite par la ligue d’Augsbourg. Louis XIV eut alors contre lui l’Angleterre jointe à l’Allemagne et à l’Espagne. Le duc de Savoie entra dans la ligue. La Suède, si longtemps alliée de la France, l’abandonna, et fournit même des troupes contre elle en qualité de membre de l’empire. Cependant tout ce que tant d’alliés purent faire, ce fut de se défendre. On ne put même, à la paix de Rysvick, arracher Strasbourg à Louis XIV.

La troisième guerre fut la plus heureuse pour Léopold et pour l’Allemagne, quand le roi de France était plus puissant que jamais, quand il gouvernait l’Espagne sous le nom de son petit-fils, qu’il avait pour lui tous les Pays-Bas espagnols et la Bavière, que ses armées étaient au milieu de l’Italie et de l’Allemagne. La mémorable bataille d’Hochstedt changea tout. Léopold mourut l’année suivante, en 1705, avec l’idée que la France serait bientôt accablée, et que l’Alsace serait réunie à l’Allemagne.

Ce qui servit le mieux Léopold dans tout le cours de son règne, ce fut la grandeur même de Louis XIV. Cette grandeur se produisit avec tant de faste, avec tant de fierté, qu’elle irrita tous ses voisins, surtout les Anglais, plus qu’elle ne les intimida.

On lui imputait l’idée de la monarchie universelle; mais si Léopold avait eu la succession de l’Autriche espagnole, comme il fut longtemps vraisemblable qu’il l’aurait, alors c’était cet empereur qui, maître absolu de la Hongrie dont les bornes étaient reculées, devenu presque tout-puissant en Allemagne, possédant l’Espagne, le domaine direct de la moitié de l’Italie, souverain de la moitié du nouveau monde, et en état de faire valoir les droits ou les prétentions de l’empire, se serait vu en effet assez près de cette monarchie universelle. On affecta de la craindre dans Louis XIV lorsqu’il voulut, après la paix de Nimègue, faire dépendre des Trois-Évêchés quelques terres qui relevaient de l’empire ; et on ne la craignit ni dans Léopold ni dans ses enfants lorsqu’ils furent près de dominer sur l’Allemagne, l’Espagne et