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ANNALES DE L’EMPIRE.

taient leur marche. Un petit combat à Pétronel, non loin de Vienne, venait encore de diminuer la faible armée de ce prince.

Le 7 juillet, l’empereur Léopold, l’Impératrice sa belle-mère, l’impératrice sa femme, les archiducs, les archiduchesses, toute leur maison, abandonnent Vienne et se retirent à Lintz. Les deux tiers des habitants suivent la cour en désordre. On ne voit que des fugitifs, des équipages, des chariots chargés de meubles ; et les derniers tombèrent entre les mains des Tartares. La retraite de l’empereur ne porte à Lintz que la terreur et la désolation. La cour ne s’y croit pas en sûreté. On se réfugie de Lintz à Passau. La consternation en augmente dans Vienne : il faut brûler les faubourgs, les maisons de plaisance, fortifier en hâte le corps de la place, y faire entrer des munitions de guerre et de bouche. On ne s’était préparé à rien, et les Turcs allaient ouvrir la tranchée. Elle fut en effet ouverte le 16 juillet au faubourg Saint-Ulric, à cinquante pas de la contrescarpe.

Le comte de Staremberg, gouverneur de la ville, avait une garnison dont le fonds était de seize mille hommes, mais qui n’en composait pas en effet plus de huit mille. On arma les bourgeois qui étaient restés dans Vienne ; on arma jusqu’à l’université. Les professeurs, les écoliers, montèrent la garde, et ils eurent un médecin pour major.

Pour comble de disgrâce, l’argent manquait, et on eut de la peine à ramasser cent mille risdales.

Le duc de Lorraine avait en vain tenté de conserver une communication de sa petite armée avec la ville ; mais il n’avait pu que protéger la retraite de l’empereur. Forcé enfin de se retirer par les ponts qu’il avait jetés sur le Danube, il était loin au septentrion de la ville, tandis que les Turcs, qui l’environnaient, avançaient leurs tranchées au midi. Il faisait tête aux Hongrois de Tékéli, et défendait la Moravie ; mais la Moravie allait tomber avec Vienne au pouvoir des Ottomans. L’empereur pressait les secours de Bavière, de Saxe, et des cercles, et surtout celui du roi de Pologne, Jean Sobieski, prince longtemps la terreur des Turcs, tandis qu’il avait été général de la couronne, et qui devait son trône à ses victoires ; mais ces secours ne pouvaient arriver que lentement.

On était déjà au mois de septembre, et il y avait enfin une brèche de six toises au corps de la place. La ville paraissait absolument sans ressource. Elle devait tomber sous les Turcs plus aisément que Constantinople ; mais ce n’était pas un Mahomet II qui l’assiégeait. Le mépris brutal du grand-vizir pour les chrétiens, son inactivité, sa mollesse, firent languir le siége.