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CHAPITRE CLXXXI.

temps-là par son attachement à la ramille royale et par sa valeur, avait amené d’Allemagne et du Danemark quelques soldats dans le nord d’Écosse ; et, suivi des montagnards, il prétendait joindre aux droits du roi celui de conquête. Il fut défait, pris, et condamné par le parlement d’Écosse à être pendu à une potence haute de trente pieds, à être ensuite écartelé, et ses membres à être attachés aux portes des quatre principales villes, pour avoir contrevenu à ce qu’on appelait la loi nouvelle, ou convenant presbytérien. Ce brave homme dit à ses juges qu’il n’était fâché que de n’avoir pas assez de membres pour être attachés à toutes les portes des villes de l’Europe, comme des monuments de sa fidélité pour son roi. Il mit même cette pensée en assez beaux vers, en allant au supplice. C’était un des plus agréables esprits qui cultivassent alors les lettres, et l’âme la plus héroïque qui fût dans les trois royaumes. Le clergé presbytérien le conduisit à la mort en l’insultant et en prononçant sa damnation.

(1650) Charles II, n’ayant pas d’autre ressource, vint de Hollande se remettre à la discrétion de ceux qui venaient de faire pendre son général et son appui, et entra dans Édimbourg par la porte où les membres de Montrose étaient exposés.

La nouvelle république d’Angleterre se prépara dès ce moment à faire la guerre à l’Écosse, ne voulant pas que dans la moitié de l’île il y eût un roi qui prétendît l’être de l’autre. Cette nouvelle république soutenait la révolution avec autant de conduite qu’elle l’avait faite avec fureur. C’était une chose inouïe, de voir un petit nombre de citoyens obscurs, sans aucun chef à leur tête, tenir tous les pairs du royaume dans l’éloignement et dans le silence, dépouiller tous les évêques, contenir les peuples, entretenir en Irlande environ seize mille combattants et autant en Angleterre, maintenir une grande flotte bien pourvue, et payer exactement toutes les dépenses, sans qu’aucun des membres de la chambre s’enrichit aux dépens de la nation. Pour subvenir à tant de frais, on employait avec une économie sévère les revenus autrefois attachés à la couronne, et les terres des évêques et des chapitres qu’on vendit pour dix années. Enfin la nation payait une taxe de cent vingt mille livres sterling par mois, taxe dix fois plus forte que cet impôt de la marine que Charles Ier s’était arrogé, et qui avait été la première cause de tant de désastres.

Ce parlement d’Angleterre n’était pas gouverné par Cromwell, qui alors était en Irlande avec son gendre Ireton ; mais il était dirigé par la faction des indépendants, dans laquelle il conservait toujours un grand crédit. La chambre résolut de faire marcher