Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/486

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mêmes bureaux d’ignorance et d’imposture, que le roi se plaisait en toute occasion à mortifier ce prince, et qu’au mariage de la princesse de Conti, fille de Mme de La Vallière, le secrétaire d’État lui refusa le titre de haut et puissant seigneur, comme si ce titre était celui qu’on donne aux princes du sang. L’écrivain qui a composé l’Histoire de Louis XIV[1], dans Ayignon, en partie sur ces malheureux mémoires, pouvait-il assez ignorer le monde et les usages de notre cour pour rapporter des faussetés pareilles ?

Cependant, après le mariage de Madame la Duchesse, après l’éclipse totale de la mère. Mme de Maintenon, victorieuse, prit un tel ascendant et inspira à Louis XIV tant de tendresse et de scrupule que le roi, par le conseil du P. La Chaise, l’épousa secrètement, au mois de janvier 1686[2], dans une petite chapelle qui était au bout de l’appartement occupé depuis par le duc de Bourgogne. Il n’y eut aucun contrat, aucune stipulation. L’archevêque de Paris, Harlai de Chanvalon, leur donna la bénédiction[3] ; le confesseur y assista[4] ; Montchevreuil[5] et Bontems, premiers valets de chambre, y furent comme témoins. Il n’est plus permis de supprimer ce fait, rapporté dans tous les auteurs, qui d’ailleurs se sont trompés sur les noms, sur le lieu, et sur les dates. Louis XIV était alors dans sa quarante-huitième année, et la personne qu’il épousait, dans sa cinquante-deuxième[6]. Ce prince, comblé de gloire, voulait mêler aux fatigues du gouvernement les douceurs innocentes d’une vie privée : ce mariage ne

    n’a que cinq livres, et est intitulé Histoire de Louis de Bourbon, second du nom, prince de Condé, premier prince du sang, par P***, un volume in-12, qui a eu aussi plusieurs éditions. (B.)

  1. C’est l’Histoire du règne de Louis XIV, par Reboulet, Avignon, 1744, trois volumes in-4o.
  2. Selon quelques historiens, au mois de novembre 1685.
  3. Ce fut le curé de la paroisse, Hébert, qui officia, et non l’archevêque.
  4. Ainsi que la femme de chambre de Mme de Maintenon ; elle se nommait Nanon.
  5. Et non pas le chevalier de Forbin, comme le disent les Mémoires de Choisy. On ne prend pour confidents d’un tel secret que des domestiques affidés, et des hommes attachés par leur service à la personne du roi. Il n’y eut point d’acte de célébration : on n’en fait que pour constater un état ; et il ne s’agissait ici que de ce qu’on appelle un mariage de conscience. Comment peut-on rapporter qu’après la mort de l’archevêque de Paris, Harlai, en 1695, près de dix ans après le mariage, ses laquais trouvèrent dans ses vieilles culottes l’acte de célébration » ? Ce conte, qui n’est pas même fait pour des laquais, ne se trouve que dans les Mémoires de Maintenon. (Note de Voltaire.)
  6. Mme de Maintenon, née le 27 novembre 1635, n’était que dans sa cinquante et unième année.