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FINANCES ET RÈGLEMENTS.

être agréablement logé qu’il n’en coûtait pour l’être mal sous Henri IV. Une belle glace de nos manufactures orne nos maisons à bien moins de frais que les petites glaces qu’on tirait de Venise. Nos belles et parantes étoffes sont moins chères que celles de d’étranger, qui ne les valaient pas.

Ce n’est point en effet l’argent et l’or qui procurent une vie commode, c’est le génie. Un peuple qui n’aurait que ces métaux serait très-misérable ; un peuple qui, sans ces métaux, mettrait heureusement en œuvre toutes les productions de la terre, serait véritablement le peuple riche. La France à cet avantage, avec beaucoup plus d’espèces qu’il n’en faut pour la circulation.

L’industrie s’étant perfectionnée dans les villes s’est accrue dans les campagnes. Il s’élèvera toujours des plaintes sur le sort des cultivateurs. On les entend dans tous les pays du monde, et ces murmures sont presque partout ceux des oisifs opulents, qui condamnent le gouvernement beaucoup plus qu’ils ne plaignent les peuples. Il est vrai que presque en tout pays, si ceux qui passent leurs jours dans les travaux rustiques avaient le loisir de murmurer, ils s’élèveraient contre les exactions qui leur enlèvent une partie de leur substance. Ils détesteraient la nécessité de payer des taxes qu’ils ne se sont point imposées, et de porter le fardeau de l’État sans participer aux avantages des autres citoyens. Il n’est pas du ressort de l’histoire d’examiner comment le peuple doit contribuer sans être foulé, et de marquer le point précis, si difficile à trouver, entre l’exécution des lois et l’abus des lois, entre les impôts et les rapines ; mais l’histoire doit faire voir qu’il est impossible qu’une ville soit florissante sans que les campagnes d’alentour soient dans l’abondance, car certainement ce sont ces campagnes qui la nourrissent. On entend, à des jours réglés, dans toutes les villes de France, des reproches de ceux à qui leur profession permet de déclamer en public contre toutes les différentes branches de consommation auxquelles on donne le nom de luxe. Il est évident que les aliments de ce luxe ne sont fournis que par le travail industrieux des cultivateurs, travail toujours chèrement payé[1].

On a planté plus de vignes, et on les a mieux travaillées ; on a fait de nouveaux vins qu’on ne connaissait pas auparavant, tels que ceux de Champagne, auxquels on a su donner la couleur, la sève, et la force de ceux de Bourgogne, et qu’on débite chez

  1. Tout cela répond aux questions économiques qu’on agitait du temps de Voltaire. (G. A.)