Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/212

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la reine de Hongrie en état de reprendre ; mais tout fut repris, et la guerre fut enfin reportée du Danube au Rhin.

Le cardinal de Fleury, voyant tant d’espérances trompées, tant de désastres qui succédaient à de si heureux commencement, écrivit au général de Kœnigseck une lettre qu’il lui fit rendre par le maréchal de Belle-Isle lui même : il s’excusait, dans cette lettre, de la guerre entreprise, et il avouait qu’il avait été entraîné au-delà de ses mesures. (11 juillet 1742) « Bien des gens savent, dit-il, combien j’ai été opposé aux résolutions que nous avons prises, et que j’ai été en quelque façon forcé d’y consentir. Votre Excellence est trop instruite de tout ce qui se passe pour ne pas deviner celui qui mit tout en œuvre pour déterminer le roi à entrer dans une ligue qui était si contraire à mon goût et à mes principes. »

Pour toute réponse, la reine de Hongrie fit imprimer la lettre du cardinal de Fleury. Il est aisé de voir quels mauvais effets cette lettre devait produire : en premier lieu, elle rejetait évidemment tout le reproche de la guerre sur le général chargé de négocier avec le comte de Kœnigseck, et ce n’était pas rendre la négociation facile que de rendre sa personne odieuse ; en second lieu, elle avouait de la faiblesse dans le ministère, et c’eût été bien mal connaître les hommes que de ne pas prévoir qu’on abuserait de cette faiblesse, que les alliés de la France se refroidiraient, et que ses ennemis s’enhardiraient. Le cardinal, voyant la lettre imprimée, en écrivit une seconde dans laquelle il se plaint au général autrichien de ce qu’on a publié sa première lettre, et lui dit « qu’il ne lui écrira plus désormais ce qu’il pense ». Cette seconde lettre lui fit encore plus de tort que la première. Il les fit désavouer toutes deux dans quelques papiers publics ; et ce désaveu, qui ne trompa personne, mit le comble à ses fausses démarches que les esprits les moins critiques excusèrent dans un homme de quatre-vingt-sept ans[1] fatigué des mauvais succès. Enfin l’empereur bavarois fit proposer à Londres des projets de paix, et surtout des sécularisations d’évêchés en faveur d’Hanovre. Le ministère anglais ne croyait pas avoir besoin de l’empereur pour les obtenir. On insulta à ses offres en les rendant publiques, et l’empereur fut réduit à désavouer ses offres de paix comme le cardinal de Fleury avait désavoué la guerre.

La querelle s’échauffa plus que jamais. La France d’un côté, l’Angleterre de l’autre, parties principales en effet sous le nom

  1. Lisez quatre-vingt-neuf ans ; voyez les notes, pages 177 et 196.