Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/239

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en 1743, et les Prussiens faisaient les mêmes fautes et les mêmes retraites qu’ils avaient reprochées aux armées françaises ; (19 novembre 1744) ils abandonnaient successivement tous les postes qui assurent Prague ; enfin ils furent obligés d’abandonner Prague même (27 novembre).

Le prince Charles, qui avait passé le Rhin à la vue de l’armée de France, passa l’Elbe la même année à la vue du roi de Prusse : il le suivit jusqu’en Silésie. Ses partis allèrent aux portes de Breslau ; on doutait enfin si la reine Marie-Thérèse, qui paraissait perdue au mois de juin, ne reprendrait pas jusqu’à la Silésie au mois de décembre de la même année, et on craignait que l’empereur, qui venait de rentrer dans sa capitale désolée, ne fût obligé d’en sortir encore.

Tout était révolution en Allemagne, tout y était intrigue. Les rois de France et d’Angleterre achetaient tour à tour des partisans dans l’empire. Le roi de Pologne, Auguste, électeur de Saxe, se donna aux Anglais pour cent cinquante mille pièces par an. Si on s’étonnait que, dans ces circonstances, un roi de Pologne, électeur, fût obligé de recevoir cet argent, on était encore plus surpris que l’Angleterre fût en état de le donner, lorsqu’il lui en coûtait cinq cent mille guinées cette année pour la reine de Hongrie, deux cent mille pour le roi de Sardaigne, et qu’elle donnait encore des subsides à l’électeur de Mayence ; elle soudoyait jusqu’à l’électeur de Cologne, frère de l’empereur, qui recevait vingt-deux mille pièces de la cour de Londres pour permettre que les ennemis de son frère levassent contre lui des troupes dans ses évêchés de Cologne, de Munster et d’Osnabruch, d’Hildesheim, de Paderborn, et de ses abbayes ; il avait accumulé sur sa tête tous ces biens ecclésiastiques, selon l’usage d’Allemagne et non suivant les règles de l’Église. Se vendre aux Anglais n’était pas glorieux ; mais il crut toujours qu’un empereur créé par la France, en Allemagne, ne se soutiendrait pas, et il sacrifia les intérêts de son frère aux siens propres.

Marie-Thérèse avait en Flandre une armée formidable, composée d’Allemands, d’Anglais, et enfin de Hollandais, qui se déclarèrent après tant d’indécisions.

La Flandre française était défendue par le maréchal de Saxe, plus faible de vingt mille hommes que les alliés. Ce général mit en œuvre ces ressources de la guerre auxquelles ni la fortune, ni même la valeur du soldat ne peuvent avoir part. Camper et décamper à propos, couvrir son pays, faire subsister son armée aux dépens des ennemis, aller sur leur terrain lorsqu’ils s’avancent