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CHAPITRE LXIX.


qui portèrent à chaque membre un papier à signer. Ce papier ne contenait qu’un ordre de déclarer s’ils obéiraient ou s’ils refuseraient. Plusieurs voulurent interpréter la volonté du roi : les mousquetaires leur dirent qu’ils avaient ordre d’éviter les commentaires ; qu’il fallait un oui ou un non.

Quarante membres signèrent ce oui ; les autres s’en dispensèrent[1]. Les oui étant venus le lendemain au parlement avec leurs camarades, leur demandèrent pardon d’avoir accepté, et signèrent non ; tous furent exilés.

La justice fut encore administrée par les conseillers d’État et les maîtres des requêtes, comme elle l’avait été en 1753 ; mais ce ne fut que par provision. On tira bientôt de ce chaos un arrangement utile.

D’abord le roi se rendit aux vœux des peuples, qui se plaignaient depuis des siècles de deux griefs, dont l’un était ruineux, l’autre honteux et dispendieux à la fois.

Le premier était le ressort trop étendu du parlement de Paris, qui obligeait les citoyens de venir de cent cinquante lieues se consumer devant lui en frais qui souvent excédaient le capital. Le second était la vénalité des charges de judicature, vénalité qui avait introduit la forte taxation des épices.

Pour réformer ces deux abus, six parlements nouveaux furent institués, le 23 février 1771, sous le titre de Conseils supérieurs, avec injonction de rendre gratis la justice. Ces conseils furent établis dans Arras, Blois, Châlons, Clermont, Lyon, Poitiers[2]. On y en ajouta d’autres depuis[3] pour remplacer quelques parlements supprimés dans les provinces.

Il fallait surtout former un nouveau parlement à Paris, lequel serait payé par le roi, sans acheter ses places, et sans rien exiger des plaideurs. Cet établissement fut fait le 13 avril. L’opprobre de la vénalité, dont François Ier et le chancelier Duprat avaient malheureusement souillé la France, fut lavé par Louis XV et par les soins du chancelier de Maupeou, second du nom[4]. On finit par la

  1. On remarqua que ceux qui, dans l’assemblée des chambres, avaient opiné à continuer le service, signèrent non, se croyant liés par l’arrêté de leur corps. Les plus ardents, au contraire, intimidés par la présence d’un mousquetaire, signèrent oui. (K.)
  2. Les éditions de 1775 et 1777 portent ici : « (En suivant l’ordre alphabétique). » (B.)
  3. Les huit derniers mots de cet alinéa ne sont ni dans l’édition de 1775, ni dans celle de 1777. (B.)
  4. Voyez ma note, page 107. Voyez aussi dans les Mélanges, année 1771, des opuscules de Voltaire à ce sujet.