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HISTOIRE DE CHARLES XII.


querelles à sa médiation, et qu’il avait déjà entamé l’ouvrage de la paix entre ces puissances.

Il laissa à son fils, âgé de quinze ans, un trône affermi et respecté au dehors, des sujets pauvres, mais belliqueux et soumis, avec des finances en bon ordre, ménagées par des ministres habiles.

Charles XII, à son avènement, non-seulement se trouva maître absolu et paisible de la Suède et de la Finlande, mais il régnait encore sur la Livonie, la Carélie, l’Ingrie ; il possédait Vismar, Vibourg, les îles de Rugen, d’Oesel, et la plus belle partie de la Poméranie, le duché de Brême et de Verden : toutes conquêtes de ses ancêtres, assurées à sa couronne par une longue possession et par la foi des traités solennels de Munster et d’Oliva, soutenus de la terreur des armes suédoises. La paix de Rysvick, commencée sous les auspices du père, fut conclue sous ceux du fils : il fut le médiateur de l’Europe dès qu’il commença à régner.

Les lois suédoises fixent la majorité des rois à quinze ans ; mais Charles XI, absolu en tout, retarda, par son testament, celle de son fils jusqu’à dix-huit. Il favorisait, par cette disposition, les vues ambitieuses de sa mère, Edwige-Éléonore de Holstein, veuve de Charles X. Cette princesse fut déclarée, par le roi son fils, tutrice du jeune roi son petit-fils, et régente du royaume, conjointement avec un conseil de cinq personnes[1].

La régente avait eu part aux affaires sous le règne du roi son fils. Elle était avancée en âge ; mais son ambition, plus grande que ses forces et que son génie, lui faisait espérer de jouir longtemps des douceurs de l’autorité sous le roi son petit-fils. Elle l’éloignait autant qu’elle pouvait des affaires. Le jeune prince passait son temps à la chasse, ou s’occupait à faire la revue des troupes : il faisait même quelquefois l’exercice avec elles ; ces amusements ne semblaient que l’effet naturel de la vivacité de son âge. Il ne paraissait dans sa conduite aucun dégoût qui pût alarmer la régente, et cette princesse se flattait que les dissipations de ces exercices le rendraient incapable d’application, et qu’elle en gouvernerait plus longtemps.

Un jour, au mois de novembre, la même année de la mort de son père, il venait de faire la revue de plusieurs régiments : le

  1. Variante : « Elle ordonna d’abord pour le corps de son fils Charles XI une pompe funèbre d’une magnificence à laquelle la Suède n’était pas accoutumée. Elle voulut de plus que les bourgeois de Stockholm portassent trois ans le deuil. Il semblait qu’on les forçât à montrer d’autant plus de douleur qu’ils en ressentaient moins de la mort d’un prince qui leur avait ôté leur liberté et leurs biens. » Voltaire retrancha ce passage d’après une note de Nordberg.