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ARRÊT DU PARLEMENT EN FAVEUR D’ARISTOTE.


ticiables de l’Église. On a vu[1] qu’aux états de 1614 et 1615 ce préjugé avait triomphé des vœux du peuple et du zèle du parlement. Cette odieuse question se renouvela encore à l’occasion d’un libelle imputé au jésuite Garasse, le plus dangereux fanatique qui fût alors chez les jésuites[2]. On reprochait dans ce libelle au roi et au cardinal de Richelieu les alliances de la France avec des princes protestants, comme si des traités que la politique ordonne pouvaient avoir quelque rapport à la religion. On poussait l’insolence dans ces libelles jusqu’à dire que le roi et ses ministres méritaient d’être excommuniés. Le parlement ne manqua ni à l’inutile cérémonie de brûler le libelle[3] ni au soin plus sérieux de rechercher l’auteur.

L’assemblée du clergé remplit son devoir en condamnant le livre ; mais Spada, nonce du pape, se servit d’une ruse digne d’un prêtre italien, en faisant faire une traduction latine de cette censure, traduction infidèle, et dans laquelle la condamnation était totalement éludée. Il la fit signer par quelques évêques, et l’envoya à Rome comme un monument de la soumission de la couronne de France à la tiare.

Le parlement découvrit la supercherie ; non-seulement il condamna la traduction latine, mais il inséra dans la condamnation qu’on procéderait contre les étrangers qui avaient conduit cette fourberie. Le clergé prit alors le parti du nonce Spada ; il s’assembla : comme son assemblée légale était finie, le parlement lui ordonna de se séparer, et enjoignit, selon les lois, aux évêques d’aller résider dans leurs diocèses ; mais alors le pape avait tant d’influence dans les cours de sa communion que le cardinal de Richelieu était obligé de le ménager et comme cardinal et comme ministre. On évoqua toute cette affaire au conseil du roi, on l’assoupit, jusqu’à la première occasion qui la ferait renaître ; il n’y avait point alors d’autre politique.

Précisément dans ce temps-là même il fallait de l’argent, et ce sont là de ces affaires qui ne s’assoupissent pas. Les guerres civiles contre les huguenots, sous le ministère du duc de Luines ; la guerre de la Valteline, sous le cardinal de Richelieu, avaient épuisé toutes les ressources. Les huguenots du royaume, mal-

  1. Chapitre XLVI.
  2. 1626. (Note de Voltaire.)
  3. Le libelle dont parle ici Voltaire était intitulé Mysteria politica, 1625, in-4° ; l’auteur n'est pas le jésuite Garasse, mais le jésuite Keller. Ensuite de la condamnation par le lieutenant civil de Paris, le livre fut jeté au feu le 30 octobre 1625, et défense fut faite, sous peine de vie, d’en conserver des exemplaires. (B.)