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LIVRE HUITIÈME.
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ments des finances, qui demandaient sa présence, il partit pour aller consommer avec le ministre du czar le grand ouvrage qu’il avait entamé.

Voici les conditions préliminaires de cette alliance, qui devait changer la face de l’Europe, telles qu’elles furent trouvées dans les papiers de Görtz, après sa mort.

Le czar, retenant pour lui toute la Livonie, et une partie de l’Ingrie et de la Carélie, rendait à la Suède tout le reste ; il s’unissait avec Charles XII dans le dessein de rétablir le roi Stanislas sur le trône de Pologne, et s’engageait à rentrer dans ce pays avec quatre-vingt mille Moscovites, pour détrôner ce même roi Auguste en faveur duquel il avait fait dix ans la guerre. Il fournissait au roi de Suède les vaisseaux nécessaires pour transporter dix mille Suédois en Angleterre, et trente mille en Allemagne : les forces réunies de Pierre et de Charles devaient attaquer le roi d’Angleterre dans ses États de Hanovre, et surtout dans Brême et Verden ; les mêmes troupes auraient servi à rétablir le duc de Holstein, et forcé le roi de Prusse à accepter un traité par lequel on lui ôtait une partie de ce qu’il avait pris. Charles en usa dès lors comme si ses troupes victorieuses, renforcées de celles du czar, avaient déjà exécuté tout ce qu’on méditait. Il fit demander hautement à l’empereur d’Allemagne l’exécution du traité d’Alt-Rantstadt. À peine la cour de Vienne daigna-t-elle répondre à la proposition d’un prince dont elle croyait n’avoir rien à craindre.

Le roi de Pologne eut moins de sécurité ; il vit l’orage qui grossissait de tous les côtés. La noblesse polonaise était confédérée contre lui ; et depuis son rétablissement il lui fallait toujours, ou combattre ses sujets, ou traiter avec eux. Le czar, médiateur à craindre, avait cent galères auprès de Dantzick, et quatre-vingt mille hommes sur les frontières de Pologne. Tout le Nord était en jalousies et en alarmes. Flemming, le plus défiant de tous les hommes, et celui dont les puissances voisines devaient le plus se défier, soupçonna le premier les desseins du czar et ceux du roi de Suède en faveur de Stanislas. Il voulut le faire enlever dans le duché de Deux-Ponts, comme on avait saisi Jacques Sobieski en Silésie. Un de ces Français entreprenants et inquiets qui vont tenter la fortune dans les pays étrangers avait amené depuis peu quelques partisans, français comme lui, au service du roi de Pologne. Il communiqua au ministre Flemming un projet par lequel il répondait d’aller, avec trente officiers français déterminés, enlever Stanislas dans son palais, et de l’amener prisonnier à Dresde. Le projet fut approuvé. Ces entreprises étaient alors