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DESCRIPTION DE LA RUSSIE.


distance défendent les passages des montagnes et des rivières qui en descendent. C’est dans cette région, auparavant inhabitée, qu’aujourd’hui les Persans viennent déposer et cacher à la rapacité des brigands leurs effets échappés aux guerres civiles. La ville d’Orenbourg est devenue le refuge des Persans et de leurs fortunes, et s’est accrue de leurs calamités ; les Indiens, les peuples de la grande Bukarie, y viennent trafiquer ; elle devient l’entrepôt de l’Asie.

DES GOUVERNEMENTS DE CASAN ET DE LA GRANDE PERMIE.

Au delà du Volga et du Jaïk, vers le septentrion, est le royaume de Casan, qui, comme Astracan, tomba dans le partage d’un fils de Gengis-kan, et ensuite d’un fils de Tamerlan, conquis de même par Jean Basilides. Il est encore peuplé de beaucoup de Tartares mahométans. Cette grande contrée s’étend jusqu’à la Sibérie : il est constant qu’elle a été florissante et riche autrefois ; elle a conservé encore quelque opulence. Une province de ce royaume, appelée la grande Permie, et ensuite le Solikam, était l’entrepôt des marchandises de la Perse et des fourrures de Tartarie. On a trouvé dans cette Permie une grande quantité de monnaie au coin des premiers califes, et quelques idoles d’or des Tartares[1] ; mais ces monuments d’anciennes richesses ont été trouvés au milieu de la pauvreté et dans des déserts : il n’y avait plus aucune trace de commerce ; ces révolutions n’arrivent que trop vite et trop aisément dans un pays ingrat, puisqu’elles sont arrivées dans les plus fertiles.

Ce célèbre prisonnier suédois, Stralemberg[2], qui mit si bien à profit son malheur, et qui examina tous ces vastes pays avec tant d’attention, est le premier qui a rendu vraisemblable un fait qu’on n’avait jamais pu croire, concernant l’ancien commerce de ces régions. Pline et Pomponius Mela rapportent que du temps d’Auguste, un roi des Suèves fit présent à Metellus Celer de quelques Indiens jetés par la tempête sur les côtes voisines de l’Elbe. Comment des habitants de l’Inde auraient-ils navigué sur les mers germaniques ? Cette aventure a paru fabuleuse à tous nos modernes, surtout depuis que le commerce de notre hémisphère a

  1. Mémoires de Stralemberg, confirmés par mes Mémoires russes. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez page 411.