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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE III.


peupla des déserts vers le Volga et la Kama des familles lithuaniennes, polonaises, et tartares, prises dans ses guerres. Tous les prisonniers auparavant étaient esclaves de ceux auxquels ils tombaient en partage ; Alexis en fit des cultivateurs : il mit autant qu’il put la discipline dans ses armées ; enfin il était digne d’être le père de Pierre le Grand ; mais il n’eut le temps de perfectionner rien de ce qu’il entreprit ; une mort prématurée l’enleva à l’âge de quarante-six ans, au commencement de 1677[1] selon notre calendrier, qui avance toujours de onze jours sur celui des Russes.

FOEDOR ALEXIOVITZ.

Après Alexis, fils de Michel, tout retomba dans la confusion. Il laissait de son premier mariage deux princes et six princesses. L’aîné, Fœdor, monta sur le trône, âgé de quinze ans[2] ; prince d’un tempérament faible et valétudinaire, mais d’un mérite qui ne tenait pas de la faiblesse de son corps. Alexis, son père, l’avait fait reconnaître pour son successeur un an auparavant. C’est ainsi qu’en usèrent les rois de France depuis Hugues Capet jusqu’à Louis le Jeune, et tant d’autres souverains.

Le second des fils d’Alexis était Ivan ou Jean, encore plus maltraité par la nature que son frère Fœdor, presque privé de la vue et de la parole, ainsi que de santé, et attaqué souvent de convulsions. Des six filles nées de ce premier mariage, la seule célèbre en Europe fut la princesse Sophie, distinguée par les talents de son esprit, mais malheureusement plus connue encore par le mal qu’elle voulut faire à Pierre le Grand.

Alexis, de son second mariage avec une autre de ses sujettes, fille du boïard Nariskin, laissa Pierre et la princesse Nathalie. Pierre, né le 30 mai 1672, et suivant le nouveau style, 10 juin, avait à peine quatre ans et demi quand il perdit son père. On n’aimait pas les enfants d’un second lit, et on ne s’attendait pas qu’il dût un jour régner.

L’esprit de la famille de Romano fut toujours de policer l’État ; tel fut encore le caractère de Fœdor. Nous avons déjà remarqué[3], en parlant de Moscou, qu’il encouragea les citoyens à bâtir plusieurs maisons de pierre. Il agrandit cette capitale ; on lui doit

  1. En 1676.
  2. 1677. (Note de Voltaire.)
  3. Page 402.