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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE XII.


Les partisans du roi de Pologne s’animèrent contre la faction contraire ; et enfin, de ce qu’Auguste avait voulu rendre à la Pologne une grande province, il en résulta dans ce royaume une guerre civile.

Pierre n’avait donc dans le roi Auguste qu’un allié peu puissant, et dans les troupes saxonnes qu’un faible secours. La crainte qu’inspirait partout Charles XII réduisait Pierre à ne se soutenir que par ses propres forces.

Ayant couru de Moscou en Courlande pour s’aboucher avec Auguste, il revole[1] de Courlande à Moscou pour hâter l’accomplissement de ses promesses. Il fait en effet marcher le prince Repnin avec quatre mille hommes vers Riga, sur les bords de la Duina, où les Saxons étaient retranchés.

Cette terreur commune augmenta quand Charles, passant la Duina[2] malgré les Saxons campés avantageusement sur le bord opposé, eut remporté une victoire complète ; quand, sans attendre un moment, il eut soumis la Courlande, qu’on le vit avancer en Lithuanie, et que la faction polonaise, ennemie d’Auguste, fut encouragée par le vainqueur.

Pierre n’en suivit pas moins tous ses desseins. Le général Patkul, qui avait été l’âme des conférences de Birzen, et qui avait passé à son service, lui fournissait des officiers allemands, disciplinait ses troupes, et lui tenait lieu du général Le Fort ; il perfectionnait ce que l’autre avait commencé. Le czar fournissait des relais à tous les officiers et même aux soldats allemands, ou livoniens, ou polonais, qui venaient servir dans ses armées ; il entrait dans les détails de leur armure, de leur habillement, de leur subsistance.

Aux confins de la Livonie et de l’Estonie, et à l’occident de la province de Novogorod, est le grand lac Peipus, qui reçoit du midi de la Livonie la rivière Vélika, et duquel sort, au septentrion, la rivière de Naiova qui baigne les murs de cette ville de Narva, près de laquelle les Suédois avaient remporté leur célèbre victoire. Ce lac a trente de nos lieues communes de long, tantôt douze, tantôt quinze de large : il était nécessaire d’y entretenir une flotte pour empêcher les vaisseaux suédois d’insulter la province de Novogorod, pour être à portée d’entrer sur leurs côtes, mais surtout pour former des matelots. Pierre, pendant toute l’année 1701, fit construire sur ce lac cent demi-galères qui por-

  1. 1er mars. (Note de Voltaire).
  2. Juillet. (Id.)