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SECONDE PARTIE. — CHAPITRE IV.


Suédois, et Görtz se justifia comme il put auprès du roi de Danemark, en protestant que tout avait été fait malgré lui.

L’armée suédoise[1], retirée en partie dans la ville et en partie sous son canon, ne fut pas pour cela sauvée : le général Stenbock fut obligé de se rendre prisonnier de guerre avec onze mille hommes, de même qu’environ seize mille s’étaient rendus après Pultava.

Il fut stipulé que Stenbock, ses officiers et soldats, pourraient être rançonnés ou échangés ; on fixa la rançon de Stenbock à huit mille écus d’empire : c’est une bien petite somme, cependant on ne put la trouver, et Stenbock resta captif à Copenhague jusqu’à sa mort.

Les États de Holstein demeurèrent à la discrétion d’un vainqueur irrité. Le jeune duc fut l’objet de la vengeance du roi de Danemark, pour prix de l’abus que Görtz avait fait de son nom ; les malheurs de Charles XII retombaient sur toute sa famille.

Görtz, voyant ses projets évanouis, toujours occupé de jouer un grand rôle dans cette confusion, revint à l’idée qu’il avait eue d’établir une neutralité dans les États de Suède en Allemagne.

Le roi de Danemark était près d’entrer dans Tonninge. George, électeur de Hanovre, voulait avoir les duchés de Brême et de Verden avec la ville de Stade. Le nouveau roi de Prusse, Frédéric-Guillaume, jetait la vue sur Stetin. Pierre Ier se disposait à se rendre maître de la Finlande. Tous les États de Charles XII, hors la Suède, étaient des dépouilles qu’on cherchait à partager : comment accorder tant d’intérêts avec une neutralité ? Görtz négocia en même temps avec tous les princes qui avaient intérêt à ce partage : il courait jour et nuit d’une province à une autre ; il engagea le gouverneur de Brême et de Verden à remettre ces deux duchés à l’électeur de Hanovre en séquestre, afin que les Danois ne les prissent pas pour eux : il fit tant qu’il obtint du roi de Prusse qu’il se chargerait conjointement avec le Holstein du séquestre de Stetin et de Vismar ; moyennant quoi le roi de Danemark laisserait le Holstein en paix, et n’entrerait pas dans Tonninge. C’était assurément un étrange service à rendre à Charles XII que de mettre ses places entre les mains de ceux qui pourraient les garder à jamais ; mais Görtz, en leur remettant ces villes comme en otage, les forçait à la neutralité, du moins pour quelque temps ; il espérait qu’ensuite il pourrait faire déclarer le Hanovre et le Brandebourg en faveur de la Suède ; il faisait

  1. Mémoires de Stenbock. (Note de Voltaire.)